Trump l’imposteur


Après un an d’enquête et 100 000 documents analysés, le New York Times révèle que Donald Trump est devenu milliardaire grâce à son père et à un système sophistiqué d’optimisation fiscale à la limite de la légalité.

PAR MARC SCHINDLER

L’enquête du NYT démolit le mythe complaisamment entretenu par Donald Trump : il est devenu milliardaire grâce à son talent – « I built what I built myself », et un modeste prêt d’un million de dollars de son père, un promoteur immobilier new-yorkais. 

« Donald Trump, le self-made man imposteur », titre le NYT dans son éditorial. Ce que le président a vendu aux Américains est une imposture, une version de la réalité embellie qui relève de la fiction écrite par un fan. L’enquête des trois journalistes du NYT est impressionnante. Avec des documents publics et parfois confidentiels et des interviews de témoins ou d’anciens collaborateurs, elle révèle que le président a participé à des stratégies fiscales douteuses et même à des fraudes avérées, dans les années 90 et qu’il n’a jamais été le milliardaire self-made man qu’il a prétendu être. Pas facile d’y voir clair, puisque Trump a toujours refusé de rendre publique sa feuille d’impôts depuis son élection. 

L’enquête est partie d’une question : comment ont évolué les finances de Trump entre 1995, quand il déclarait une perte d’un millard de dollars, et 2005, quand il a gagné 150 millions ? Le résultat est édifiant : Donald Trump est devenu milliardaire grâce à des prêts et des dons de centaines de millions de son père, qui ont été savamment cachés au fisc. Fred Trump était un promoteur immobilier qui avait fait fortune et qui avait monté des combines pour enrichir son fils Donald et ses autres enfants. A l’âge de 3 ans, le petit Donald avait un revenu annuel de $ 200 000. A 30 ans, son père bien-aimé lui avait versé $ 9 millions. En tout, en dollars actuels, Donald Trump a été l’heureux bénéficiaire de $ 413 millions.

C’est papa qui avait sauvé Donald quand ses projets immobiliers avaient capoté et quand ses casinos à Atlantic City avaient fait faillite. C’est lui aussi qui avait financé son train de vie extravagant, ses Cadillacs blanches, ses aventures avec des actrices, ses réceptions fastueuses dans sa Trump Tower et son émission de reality-show The Apprentice où Donald jouait le rôle d’un businessman tout-puissant qui pouvait faire le fortune ou la ruine des participants, avec sa célèbre formule : « You are fired ». Mais Fred Trump n’a pas seulement été le papa gâteau de son cher Donald. Il a aussi été le redoutable champion de l’optimisation fiscale, toujours à la limite de la fraude. 

Les enquêteurs ont épluché des dizaines de milliers de pages de documents confidentiels: déclarations d’impôts, relevés bancaires, audits financiers, factures, chèques. Il faut s’accrocher pour comprendre les subtilités des combines fiscales des Trump père et fils. Un exemple : pour virer du cash de ses sociétés vers ses enfants, sans payer d’impôts, Fred et Donald Trump avaient créé After All County, une société qui achetait des équipements pour les immeubles. Sur chaque chaudière et sur chaque machine à laver, on facturait à After All County 20 à 50% de plus que la commande. Et la famille empochait la différence, plusieurs millions de dollars sans payer l’impôt de 55% sur les dons familiaux. C’est un ancien fournisseur qui a révélé la combine, qui n’avait jamais été publiée dans les livres et les articles sur Donald Trump. Mais Donald le fils prodigue n’a pas été reconnaissant. Selon le NYT, en 1990, il a essayé de changer le testament de son père, très âgé et malade, pour devenir l’exécuteur testamentaire de l’empire familial et sauver ses propres affaires qui périclitaient. Donald Trump a joué un rôle central pour mettre au point une stratégie fiscale pour éviter de payer un impôt de 55% sur l’héritage. Bien sûr, les avocats de Donald Trump sont montés au créneau : il n’y a eu ni fraude ni évasion fiscale et le président n’a jamais été impliqué dans ces affaires. Robert, le frère du président : « Tous les dons et les revenus immobiliers ont été enregistrés et les impôts ont été payés ». Le président a botté en touche : « un article à charge, très vieux, ennuyeux et déjà vu ». 

Les révélations du NYT vont-elles avoir une influence sur les électeurs appelés aux urnes pour les élections de mi-mandat en novembre ? La plupart des partisans de Donald Trump ne lisent pas le NYT, que le président traite de « falling paper ». Mais quel journal a les moyens de payer trois journalistes pour enquêter pendant un an sur les finances du président des Etats-Unis ? Comme le dit le slogan du NYT : « la vérité en vaut la peine ».

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