Ils étaient tous là, sous l’Arc de Triomphe, pour quels froids et inavouables intérêts?


Le centenaire de l’armistice de 1918 célébré depuis une semaine par le président français Emmanuel Macron, s’est achevé dimanche 11 novembre 2018 en grande pompe au pied de l’Arc de Triomphe, en présence, dit-on fort complaisamment, «des grands de ce monde».

Des «grands». Je me demande bien comment on peut, même après avoir longuement réfléchi, affubler de ce qualitatif des personnages qui sont tout sauf grands si l’on additionne le nombre de décisions aux conséquences le plus souvent funestes. Sans doute voulait-on dire puissants. Au service des puissants…

Une septantaine de chefs d’Etat et de gouvernement se pressaient du haut de leur cynisme, pour donner le change. Etre sur la photo. Ensemble… pour commémorer un acte signé après des mois, des années d’hécatombes, de tombes et de fosses communes.

Ils étaient là, entonnant d’une même voix l’hymne à la paix. «Plus jamais ça. Allons enfants, plus jamais ça». Alors, avec un brin de cynisme, je n’ai pu me résoudre à ne pas voir, à un titre ou à un autre, dans chacun de ces «grands» des faiseurs de guerre déguisés en colombes de la paix venus à Paris pour se faire une virginité.

Loin de moi l’idée de disserter sur un passé qui mettait en présence des hommes qui jouaient à la guerre, en se tirant dessus, et qui crevaient, la peur au ventre, sans savoir pourquoi ils mourraient. Ni même avoir compris les raisons pour lesquelles des hommes, des planqués, les donneurs d’ordres, les avaient poussés à se sacrifier pour la nation. Tu connais la chanson du déserteur. «S’il faut donner son sang, allez donner le vôtre»…

Le devoir de mémoire! Il ne viendrait à l’idée de personne de ne pas y souscrire. Sauf, qu’il est très sélectif dans beaucoup de pays. Et pour nombre de gouvernements. Avec ce centenaire, j’ai comme la désagréable impression que les pouvoirs font tout pour qu’au moins se brisent les possibles indifférences et ignorances que pourraient laisser les mauvais faits d’armes d’il y a cent ans. Alors que tout est mis en oeuvre pour tenter de favoriser les indifférences pour les drames qui se jouent au quotidien ici et là dans le monde.

Le président Macron a invité à «oeuvrer pour la paix». Celle que le Proche et Moyen Orient attendent? Les Palestiniens sous le regard absent du monde? La paix à laquelle aspirent la Libye, le Tchad, le Sahel, le Nigeria, le Zimbabwe, la RDC, le Soudan, l’Irak, l’Afghanistan, la Birmanie? Sans parler de l’Ukraine. Celle qu’espère la population iranienne, victime de l’embargo de Trump et de son gouvernement, comme le sont les Cubains , les millions de réfugiés vénézuéliens?

La paix. On peut la rêver. Comme la rêvent les Syriens qui vivent douloureusement le régime qui est le leur, mais aussi les obus des nations belligérantes. Comme la rêvent aussi les enfants squelettiques du Yémen, qui gémissent et crient leur faim en l’absence de nourriture, pour finir par ne plus gémir, à jamais fauchés. Et lorsque ce n’est pas de faim, ils tombent sous les bombes d’une coalition de pays.

Ils étaient bien là, sous l’Arc de Triomphe devenu en cet après-midi l’Arc de la Honte, les Trump, Poutine, Erdogan, Netanyahou, Merkel, Trudeau et autres Kagame ou encore Xi Jinping. Venus de toutes parts entourer le président Macron. Ils sont venus, ils étaient tous là,  faisant preuve d’une regrettable amnésie. Au nom de la raison d’Etat. Pour quels froids et inavouables intérêts?

Pierre Rottet

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