Chronique climatique – A défaut de volonté politique, l’option juridique

Au début, il y a un cinquantaine d’années, on parlait de réduire les émissions de CO2 pour lutter contre le réchauffement climatique. Puis, petit à petit, cette évidence s’est transformée en un concept d’adaptation : il fallait, il faut s’adapter à un monde plus chaud, et rapidement. On pourrait croire que le monde se rend enfin compte de ce danger comme le montre la débauche d’activité qui a suivi la signature du Traité de Paris signé en 2015 par 197 pays à la fin de la conférence COP21 ainsi que la toute récente COP24 qui s’est déroulée ces derniers jours.

Malheureusement, pendant ces dernières années, le monde a continué à osciller entre le laisser-aller et la volonté de s’adapter au réchauffement climatique en assumant le besoin de décarboniser son système énergétique. Or, il semble que la planète se dirige vers un réchauffement de l’ordre de 3°C à la fin du siècle au lieu des 1.5-2.0°C auxquels les pays signataires du Traité de Paris se sont engagés.  En d’autres termes, pour éviter cette catastrophe globale préprogrammée,  l’humanité devra impérativement arriver à un bilan neutre du CO2 vers 2050, à savoir en émettre autant que l’on peut en soustraire de l’atmosphère. Les conséquences probables de mesures insuffisantes pour lutter contre ce bouleversement climatique sont connues : sécheresses à répétition, vagues de chaleur beaucoup plus fréquentes, incendies de forêts, inondations, tempêtes, élévation du niveau de la mer, modification de la chimie des océans, déplacement des maladies tropicales vers le nord, etc…

Si vous avez la chance aujourd’hui de rouler dans une « Tesla » ou une «Mirai», vous aurez l’impression d’être transporté dans une société futuriste sans carbone. Il est donc techniquement possible de décarboniser les transports légers grâce à l’électricité et aux batteries modernes. Une autre option qui s’approche rapidement du stade industriel réside dans l’utilisation accrue de l’hydrogène et des carburants synthétiques. Il est plus que probable que le mix énergétique de l’avenir résidera dans un mélange de diverses technologies d’utilisation et de stockage de l’énergie électrique. Il est également réjouissant et prometteur de voir que, grâce à l’Intelligence Artificielle, nous sommes sur le chemin d’augmenter l’efficacité énergétique des véhicules en mode opérationnel, ce qui devrait contribuer à une meilleure utilisation de l’énergie électrique motrice. 

La tendance actuelle implique un consensus général vers une épine dorsale de la décarbonisation du système énergétique principalement basée sur l’électricité : beaucoup plus d’électricité pour contribuer à hauteur de 60% à la demande d’énergie globale vers le milieu du siècle, le reste étant fourni par des sources d’énergie pauvres en carbone, non renouvelables telles que le nucléaire « propre », le gaz naturel avec capture de carbone, les carburants synthétiques (pour l’aviation), la bioénergie et autres solutions encore en développement. Des chiffres fournis par l’entreprise pétrolifère BP montrent que pour l’année dernière moins de 35% de l’énergie globale a été générée par des sources zéro carbone, y compris l’hydroélectricité et le nucléaire, et seulement 8.4% par des sources renouvelables autres  que l’hydroélectricité: pour produire toute l’électricité nécessaire en 2050 avec l’aide des énergies renouvelables, le taux d’installation des éoliennes et panneaux solaires devrait être multiplié par 10. En parallèle, des mesures devront être prises pour augmenter massivement l’efficacité de l’utilisation de l’énergie, sous toutes ses formes.

Cependant, il faudra aussi impérativement diminuer les stocks de gaz à effet de serre déjà émis dans l’atmosphère. Quelques méthodes sont aujourd’hui en phase d’évaluation et pourraient apporter des éléments de solution : augmentation la biomasse (végétation, algues), capture et stockage de carbone grâce à la bioénergie avec séquestration du CO2 souterraine, absorption du CO2 par les sols et extraction directe du CO2 de l’air, une technique plus ou moins opérationnelle comme le démontre le projet Climeworks.

Le constat actuel : pour lutter contre le réchauffement climatique ou , en tous cas, s’y adapter sans trop d’effets négatifs, des solutions existent, beaucoup en devenir, la plupart encore au stade d’ébauches. Mais tout cela va coûter très cher, entre 2% et 3% du PIB global annuel d’ici à 2035, avec des investissements massifs dans la R&D, probablement grâce à une augmentation conséquente de la taxe carbone (à l’encontre de l’exemple suisse récent). L’avantage est que la plupart des techniques envisagées jusqu’ici sont plus ou moins connues, dont les coûts diminueront au fur et à mesure de leurs applications industrielles. Mais pour ce faire, et ce qui fait défaut aujourd’hui, c’est une volonté politique, claire, sans ambiguïtés et forte pour atteindre une société zéro énergie, voir à énergie négative. Avec la COP24, nous n’en prenons pas vraiment le chemin… L’option juridique apportera-t-elle l’impulsion nécessaire ?

Alain Heimo

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