Ici au Pérou, la vie suit son cours. Son cours d’eau! Un tiers des districts du pays a été déclaré en état d’urgence.
La faute à des pluies diluviennes. Quelque chose qui doit ressembler au déluge pour les habitants de ces endroits, privés d’Arche de Noé, eux. Le nombre de morts s’élève désormais à plus de 50. Et l’on ne compte plus les milliers et les milliers de victimes qui ont perdu tous leurs biens. Même modestes, dans bien des cas. Une tragédie! Que continuent pourtant à passer sous silence nos médias. Qui ont d’autres chats à fouetter. Sauf qu’ils ont la fâcheuse tendance à fouetter toujours les mêmes chats. Lassant!
Pourtant, oui pourtant, le Pérou continue à vivre. Et avec lui Lima. Je le sais et le constate quotidiennement. Et notamment en m’asseyant dans l’un ou l’autre des milliers de bus qui sillonnent les artères de la capitale. Qu’empruntent régulièrement des centaines de réfugiés vénézuéliens pour vendre aux passagers glaces ou bonbons, pâtisseries ou autres chocolateries, dans l’espoir de glaner quelques maigres pièces de monnaie. Et même pour nous gratifier d’un morceau de musique. Le plus souvent, ajouterais-je, avec la bienveillance du public. Voire sa sympathie.
Pas un trajet sans que l’un ou l’autre de ces jeunes ne montent dans le bus pour offrir leur produit. Bien entendu sans s’acquitter du ticket, grâce à l’indulgence du chauffeur pour ces exilés. Je me suis alors surpris à sourire en imaginant l’improbable même scène dans les transports publics en Suisse, en France ou ailleurs dans les bus qui sillonnent nos villes. En imaginant sans grand risque de me tromper l’amende qui s’abattrait sur les vendeurs-resquilleurs. Sans parler de la tête des gens. De la plupart d’entre-eux? Un autre monde, n’est-ce pas?
Dans un autre registre, voilà une info dont tu n’as sans doute jamais entendu parler. Le vertueux comité exécutif de la FIFA vient de retirer au Pérou l’organisation de la 18e Coupe du monde de football 2019 des moins de 17 ans (M17), qui devait débuter en septembre prochain. Pour laquelle le pays fut pourtant désigné le 16 mars 2018. Recalé… pour des raisons liées à de supposés retards dans les infrastructures, argumente futilement la FIFA, après quelques visites au Pérou. Il est vrai que le Pérou ne dispose pas des liasses de billets des princes du désert. Il ne peut pas compter non plus sur la main-d’oeuvre quasi-bénévole de milliers de Philippins ou autre Sri-Lankais venus construire des stades dans des conditions proches de l’esclavagisme.
Ah, j’allais oublier! L’autre jour, je me suis rendu à la municipalité de mon district, à quelques pas de chez moi, pour y payer mes impôts. Comme il se doit! Rien de nouveau, me diras-tu. Sauf que… Une jeune employée de la municipalité passait dans les rangs des contribuables, histoire de leur offrir une boisson rafraîchissante. Avant de les gratifier d’une belle plante à emporter à la maison. Le tout avec un sourire bien compréhensible, dans la mesure où se joue là aussi une part de son salaire. Ainsi qu’un… merci. Parfaitement. Un merci. Tu en as reçu beaucoup, toi, des mercis en payant ta dîme? Un autre monde, décidément!
Pierre Rottet
