Colombie, «même si le gouvernement n’y croit pas, l’espoir de perpétuer la paix demeure réel»


L’Amérique latine est la grande absente du message sur la coopération 2021- 2024 que le Conseil fédéral vient d’adresser au Parlement par le Conseil fédéral. Pourtant la Suisse s’était, par exemple, fortement engagée dans le processus de paix en Colombie. Alejandra Miller Restrepo (photo EB), membre de la Commission de vérité, activée à la suite de la réconciliation nationale obtenue, a dressé vendredi à Berne un portrait très contrasté d’une situation toujours très fragile et précaire.

Après plus de 50 ans de conflits, 300’000 morts et sept millions de personnes déplacées, reconstruire un pays ravagé par la guerre et marqué par les divisions et les haines reste un défi énorme pour cette économiste et politologue qui a pris une part active aux fastidieuses négociations à la Havane. Pour elle, la paix ne tient qu’à un fil.

« Une partie de roulette russe »

Invitée à l’issue de l’Assemblée du KOFF, la plateforme suisse de la promotion de la paix, qui regroupe une cinquantaine d’ONG, et à la projection du film « To end a war » de Marc Silver qui relate les 3 ans de négociations menée par le président colombien Santos et la guérilla des FARC, Alejandra Miller Restreppo a estimé, suite à cette projection, à quel point se jouait ici une partie de « roulette russe d’un processus appelé à se dérouler des années. »

Revenant sur les pourparlers, menés par alors par le président Juan Manuel Santos, récompensé pour ces efforts par le Prix Nobel de la Paix en 2016 et malgré tout poursuivis par son successeur et opposant Alvaro Uribe, notre interlocutrice dresse un constat préoccupant : « le gouvernement colombien actuel (ndlr. présidé par Iván Duque depuis août 2018) ne croit pas à la paix ». Alors que les FARC ont officiellement déposé les armes, elle note que 130 ex-combattants de ce mouvement révolutionnaire ont été tués cette année. Toutefois, Alejandra Miller Restreppo veut rester optimiste : «Le panorama est très difficile, mais l’espoir demeure car l’accord de paix fait partie de la Constitution et la Commission pour la Vérité et une Juridiction pour la paix travaillent activement à la consolidation de cette entente instable.»

Un rapport dans trois ans

Concrètement, la Commission de la Vérité qui constitue le point 5 de l’accord de paix, « accorde le droit aux victimes à la recherche de la vérité historique et aussi à ne plus être persécutés. » La Commission de la Vérité regroupe cinq femmes et six hommes et est présidée par le père jésuite Francisco de Roux qui a dédié toute sa vie aux droits de l’homme. « Elle procède à l’examen des faits et aussi à établir les responsabilités des actes de guerre. La Commission a pour but de donner aux victimes un droit de savoir ce qui s’est passé. Elle doit rédiger un rapport dans trois ans. »

Pour Alejandra Miller Restreppo, cette Commission a une fonction de «miroir renvoyé aux victimes et aux responsables de ces actes. Nous voulons parvenir à un accord pour éviter que la guerre ne se reproduise, de façon à ne plus jamais la répéter. Un défi périlleux dans un très mauvais climat politique où le conflit repart ». Sans compter que le budget alloué a cette Commission a été réduit de 40%. « Reste que le travail se poursuit pour donner une voix aux victimes et aussi à celles qui ont été contraintes de partir à l’étranger. »

Les effets du conflit sur les femmes et les LGBT

Au sein de la Commission de la Vérité, Alejandra Miller Restreppo, qui enseigne et exerce une activité de chercheuse à l’Université de Cauca dans le Popayan, s’est concentrée sur les effets du conflit armé sur les femmes et la communauté LGBT. Une région qui a souffert de la guerre. « Les organisations féministes ont travaillé pour que la question genre soit comprise dans l’accord de paix. Femmes et communauté LGBT sont intégrés dans ces efforts et c’est une nouveauté. »

L’invitée du KOFF se voit en « ambassadrice » qui, à ce titre, obtenu cette fonction dans la Commission. « J’ai ainsi créé des instruments pour que les victimes genres soient considérées comme un point spécifique du rapport, car sans la voix des femmes, la paix ne peut être complète ». A noter que le rôle tenu par les ex-combattantes ne seront pas oubliées également. « Les viols et les abus sexuels sont de tout ordre, y compris au sein des FARC », précise-t-elle.

Edgar Bloch


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