Endettement? Circulez, il n’y a plus rien à voir


On apprend dans les Business Schools qu’une dette se rembourse. C’est le caractère essentiel qui qualifie juridiquement une dette. Mais les choses changent.

Le capitalisme occidental moderne n’en a pas fait tout un plat. Préférant favoriser la prise de risque entrepreneurial plutôt que garantir la sécurité des prêteurs, l’insolvabilité n’a pas été érigée en délit pénal. Elle se solde par la faillite. On s’en relève, et aujourd’hui sans honte. 

Lorsque le capital était rare, l’emprunt était cher en terme d’intérêts, ce qui rendait son usage parcimonieux. Mais depuis que les banques centrales peuvent créer de la monnaie à profusion, tenues par des règles de couverture monétaires assouplies, l’emprunt est devenu facile et au fil des décennies, on a assisté à l’émergence d’une montagne de dettes, représentant parfois plusieurs fois la richesse produite annuellement par un pays (PIB). Le champion du monde industrialisé est le Japon. La Suisse n’est pas loin avec un endettement privé considérable. 

Lors du Krach de 1929, la Réserve Fédérale américaine avait brusquement monté les taux d’intérêts afin de contenir l’endettement. Mal lui en a pris car son action a entraîné une récession mémorable. Fort de cette expérience, lors de la crise de 2008, au contraire, les banques centrales ont fait drastiquement baisser les taux d’intérêts et prêté massivement aux banques à taux très bas afin de relancer l’activité économique. Aujourd’hui, les débiteurs considérés comme sûrs empruntent à des taux en dessous de zéro et Monsieur et Madame Tout-le-monde à 1%. 

Les banques centrales aimeraient bien maintenant normaliser les taux d’intérêts pour freiner la croissance de l’endettement. Mais elles savent qu’en faisant cela, elles provoqueront faillites et défauts en rafales. Elles sont devenues les otages de l’endettement généralisé. Elles savent aussi que la montagne de dettes a dépassé les capacités de remboursement des emprunteurs, Etats et privés. L’austérité, qui prévaudrait si un effort colossal était consenti, entraînerait une récession et est devenue un tabou politique. L’inflation, qui remboursait les dettes -mais ruinait les épargnants- est en panne. L’endettement est hors de contrôle.

Que fait-on lorsqu’on est acculé ? On change les règles : va-t-on vers une nouvelle définition de la dette ? Tout laisse croire que l’on va peu-à-peu abandonner le principe du remboursement: on n’emprunte plus mais on loue du capital. Le principal ne constitue dès lors plus une dette, ce qui allège les bilans. Fiction ? Peut-être pas…car vous le faites déjà avec le leasing de votre voiture. Et les Etats ne tarderont pas à s’engouffrer dans la brèche, jetant au diable l’austérité. Maintenant déjà, ces Etats ne remboursent un emprunt qu’en en émettant un nouveau. Leur dette devient perpétuelle… L’exemple vient d’en haut.

Pierre Rochat

Photo le Médusé: Montricher, Maison de l’Ecriture

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