Les populistes sont-ils devenus des conservateurs?


Il fut un temps où le « populisme » était également synonyme d’irresponsabilité dans la gestion des finances de l’Etat. Passant outre les contraintes budgétaires, les exécutifs issus de ces formations et courants de pensée vidaient le Trésor Public, épuisaient les réserves et provoquaient en conséquence une crise monétaire jalonnée d’inflation, de fuite des capitaux, de récession, voire de défaut de paiement. Bref, le mépris des fondamentaux économiques des populistes parvenus au pouvoir finissait toujours mal. La situation semble avoir pourtant considérablement évolué aujourd’hui, tant et si bien que les populistes aux manettes pourraient également être taxés de … conservateurs !

C’est effectivement bien sous Viktor Orban que le déficit budgétaire hongrois fut substantiellement corrigé et que la dette publique nationale est passée de 75% du P.I.B. à près de 67% en moins de 10 ans. La Pologne, quant à elle, n’est pas en reste puisque Jaroslaw Kaczynski a pu ramener le ratio dettes/P.I.B. sous la barre des 50%, également au mieux depuis 10 ans. Le croira-t-on mais Matteo Salvini fait actuellement la promotion d’une loi inquisitoire visant à débusquer les contenus des coffres privés en Italie, et qui consent un impôt forfaitaire de 15% à ceux qui se déclarent spontanément ? Le Mexique, lui, dirigé par Andrés Manuel López Obrador qualifié de populiste de gauche, met en place une vraie politique d’austérité ayant pour objectif un budget excédentaire pour 2020.

En fait, c’est une volonté de s’affranchir des contraintes de la globalisation qui a fait évoluer la macro économie des populistes et qui les a conduits à faire le choix de la responsabilité fiscale. Il semblerait que la grande préoccupation des populistes au pouvoir en 2019 soit en effet de se libérer de la dépendance aux capitaux étrangers en misant de plus en plus sur des plans de financement strictement intérieurs pour assurer le train de vie de leur Etat. Leur opposition très critique, voire farouche dans certains cas, à la libre circulation des capitaux (qui va comme on le sait de pair avec la globalisation) les transforme donc en apôtres de la discipline fiscale et budgétaire, laquelle leur permet une plus grande autonomie vis-à-vis des financements étrangers, qui limite ainsi la vulnérabilité de leur pays face aux forces centrifuges de la mondialisation.

C’est à cette aune qu’il faut comprendre l’énergie déployée par Orban pour rembourser les créanciers étrangers de la Hongrie et financer ses déficits par l’émission d’obligations destinées aux investisseurs nationaux. Idem pour la dette publique polonaise qui n’est plus détenue qu’à 25% par des étrangers, contre 40% en 2015. L’exemple suprême de cette quête d’indépendance financière n’est-elle pas donnée par la Russie de Vladimir Putin érigée en modèle des économies budgétaires et des dépenses publiques lourdement sous contrôle ? C’est donc cette volonté de tenir en respect et la globalisation et la finance mondialisée qui a modifié fondamentalement l’approche macro économique des populistes arrivés au pouvoir. Leur virage inattendu vers l’orthodoxie et vers la rigueur est donc motivé par leur détermination à montrer qu’ils ne peuvent – et ne doivent – compter que sur eux-mêmes.

Michel Santi

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