Climat, quand la dénonciation du capitalisme dispense la gauche d’agir concrètement


Le débat sur le changement climatique a vu ressurgir la mise en cause du capitalisme, cet épouvantail auquel il est fort utile de faire endosser la responsabilité de tous les maux de la planète. Ce qui permet d’éviter de se frotter à la résolution très concrète des problèmes que l’on dénonce.

Ainsi, dans son dernier ouvrage, la journaliste et militante canadienne Naomi Klein pose le dilemme de manière radicale: le capitalisme ou la survie de l’espèce. Mais elle peine à rendre crédible cette rupture qui passerait par la multiplication des mouvements sociaux et un retour aux modes de vie des peuples indigènes.

En Suisse, le parti socialiste met périodiquement le capitalisme au pilori. Lors de son congrès de Montreux en 1998, il se prononçait dans l’enthousiasme pour une rupture avec le capitalisme, sans effets perceptibles sur son action ni sur celle de ses élus. Une décennie plus tard, la rupture devenait dépassement. Mais les propositions adoptées alors relèvent plutôt d’un complément ou d’une domestication du capitalisme que de son dépassement (DP 1865). Rebelote en 2018, quand le PSS prend le tournant de la numérisation de l’économie (DP 2192).

L’économiste Heiner Flassbeck, secrétaire d’Etat dans le gouvernement Schrœder, dénonce avec pertinence cette critique globale du capitalisme dans laquelle trop souvent se complaît la gauche. Une critique qui se dispense d’une analyse précise de l’objet qu’elle veut combattre et qui se révèle incapable de décrire des alternatives réalistes. Pire, dénoncer LE capitalisme, ajoute-t-il, c’est valoriser sa forme actuelle, le néolibéralisme qui a prospéré dès les années 70 du siècle passé et qui a progressivement démantelé les politiques de régulation du capitalisme. Une forme présentée par ses partisans comme sans alternative.

Car le capitalisme comme système économique a pris des formes multiples. Il a su évoluer, ce qui explique probablement sa résilience malgré l’annonce rituelle de sa fin prochaine.

Pour Flassbeck, la critique doit porter sur la forme néolibérale aujourd’hui dominante et proposer les mesures propres à garantir justice sociale et développement durable. Des conditions favorables à l’initiative privée n’excluent pas une répartition plus équitable de la richesse produite, notamment par le biais de la fiscalité. Une économie de marché peut se conjuguer avec un pilotage du comportement des individus comme des entreprises, de manière à respecter les exigences écologiques.

Qu’y aurait-il à redire à un tel capitalisme, demande Flassbeck? L’action politique exige de la précision, aussi bien dans le diagnostic que dans la thérapie. Invoquer la rupture ou le dépassement du capitalisme ne peut qu’inquiéter le plus grand nombre, surtout lorsque ses thuriféraires se montrent incapables de décrire l’alternative. Alors que le combat contre le néolibéralisme peut se nourrir des méfaits très concrets de ce dernier et proposer des remèdes simples et compréhensibles pour chacun. Un combat porteur d’un espoir de changement, alors que la rupture d’avec le capitalisme ressemble plus à une fuite dans l’abstraction.

Jean-Daniel Delley

Domaine Public

Tags: , ,

Mentions légales - Autorenrechte

Les droits d'utilisation des textes sur www.lameduse.ch restent propriété des auteurs, à moins qu'il n'en soit fait mention autrement. Les textes ne peuvent pas être copiés ou utilisés à des fins commerciales sans l'assentiment des auteurs.

Die Autorenrechte an den Texten auf www.lameduse.ch liegen bei den Autoren, falls dies nicht anders vermerkt ist. Die Texte dûrfen ohne die ausdrûckliche Zustimmung der Autoren nicht kopiert oder fûr kommerzielle Zwecke gebraucht werden.