Tribune libre – M. Macron doit des excuses au peuple brésilien autant qu’il en doit à son peuple


La France souffre d’un mal épouvantable : son président manque totalement de psychologie. Une once de délicatesse dans ses propos ne serait pas de trop.

J’en viens directement à ce carnaval médiatique que fut le tout récent G7. Le petit déjeuner entre M. Macron et M. Trump était pathétique : deux hommes qui s’observaient, se toisaient, ne prenaient même pas le temps de tremper leur langue si pendue dans une tasse de café.

En réalité, M. Macron n’a pas changé : un esprit certes brillant, mais dont on (tout au moins « je » sens) qu’il prend un plaisir énorme à se mesurer aux autres, avec en filigrane la revanche. Se laisser photographier en compagnie d’un « géant » (par sa carrure, par l’influence, bien que déclinante de son invité « number one »), c’était faire passer le message suivant : « Je joue dans la cour des grands, je suis le chef d’une grande puissance, la France ».

Il y a quelque chose, dans les neurones de M. Macron, malgré tout le respect dû à un homme chargé de tant de responsabilités, d’un peu « perverti » : une sorte de complexe qui l’amène à vouloir incarner la grandeur de la France en ne cessant dans jouer dans la cour des grands, en donnant des leçons au monde entier, voulant jouer « les mecs virils » en dissimulant de considérables défaillances d’un point de vue culturel à travers des phrases soigneusement apprêtées par ses conseillers chargés de la com’.

Le principal reproche que je fais au président de la République, c’est d’avoir sous-estimé l’importance et la singularité d’une région immense, en omettant d’inviter le chef d’Etat de ce qui est le pays le plus vaste, le plus peuplé, le plus industrialisé aussi, de l’Amérique du Sud : le BRESIL.

Personnellement, je pense qu’il s’agit d’une erreur stratégique majeure, d’autant plus que les investissements consentis par les multinationales et même les PME tricolores au Brésil représentent des sommes considérables. Mais s’il est souvent accusé d’être un homme de droite, M. Macron n’en porte pas moins les stigmates des intellos se revendiquant de gauche : il est sectaire, affreusement sectaire. Pour lui, pour ses conseillers, Jaïr Bolsonaro est, bien évidemment, un facho.

Chaque jour, ou presque, moi qui ai vécu 16 ans à São Paulo, je regarde le «Jornal Nacional», incontournable journal télévisé diffusé par la TV Globo. Et je ne perçois, dans le comportement de cet homme, certes implacable mais mû par des idéaux que notre gauche française a jeté par la fenêtre depuis longtemps, aucun déséquilibre qui pourrait l’assimiler à un facho, un nazi, un dangereux dictateur, etc.

Ne pas avoir convié le Brésil à la « farce » par ailleurs si dispendieuse du G7 est une erreur tragique pour un président obsédé par ses relations prétendument franches avec Donald Trump.

Rappelons que Jaïr Bolsonaro est un militaire, qu’il a mené une campagne électorale en partie depuis un lit à l’hôpital après qu’un cinglé lui ait planté un couteau en pleine poitrine. Rappelons qu’il a pris la tête d’un pays déchiqueté, sinon anéanti, économiquement et socialement, par le sinistre duo Lula-Rousseff qui, s’ils étaient restés au pouvoir plus longtemps, auraient plongé leur pays dans les abysses du Venezuela.

Luiz Inácio Lula da Silva, encensé par toute une partie de l’intelligentsia française, adulé par son pote Jean-Luc Mélenchon, n’était en réalité que le cerveau d’une mafia qui a saigné le Brésil, vidé les coffres de Petrobras, alourdi (tout comme M. Macron) le fardeau des impôts dans un pays qui, du point de vue fiscal, est aussi hallucinant que la France. Sous les gouvernements Lula et (Dilma) Rousseff, la corruption se fit plus florissante que jamais.

M. Macron souffre d’un grand malaise : arrogant, tout au moins à ses débuts, il est, je le répète, sectaire et très peu doué psychologiquement. C’est lui qui a commencé les hostilités avec le Brésil, j’en suis persuadé, oubliant pas ailleurs que nos entreprises pourraient, si Jaïr Bolsonaro était aussi toqué qu’il le laisse à penser, prendre des mesures de rétorsion « à la Trump » à leur encontre et nous valoir bien des ennuis.

De même, comment concevoir qu’un chef d’Etat puisse, ainsi, donner des leçons à la planète entière quand il a soulevé, pendant plusieurs mois, des marées humaines badigeonnées de jaune dans les rues, une sorte de soulèvement populaire qui a coûté une fortune en vies humaines, aussi bien dans les rangs des manifestants que des forces de l’ordre ? Puissent Emmanuel Macron et ses marcheurs, qui nous font si souvent marcher, se consacrer avant tout à l’amélioration des conditions de vie de leurs concitoyens.

La reforestation de l’Amazonie, en partie saccagée par une politique foncière plutôt absurde, est, dans une certaine mesure, un leurre. Jeune journaliste, j’ai parcouru l’Amazonie de long en large. L’un des principaux enseignements que j’en ai tirés est le suivant : en réalité, le sol de la jungle est pauvre et d’une extrême fragilité. Quand on brûle des hectares entiers où s’épanouissent les espèces végétales les plus diverses, on ne fait qu’appauvrir davantage ce sol et ses composantes, de sorte que la végétation « réintroduite » n’atteindra jamais plus le haut niveau de biodiversité dont elle jouissait auparavant. Ce sera une « jungle bis et même factice », où la faune, entre autres facteurs, n’atteindra de manière aucune la luxuriance qu’elle avait auparavant.

Ce ne sont pas des millions de dollars qu’il faut pour sauver la forêt amazonienne, mais des milliards, investissements colossaux exigeant le savoir faire de spécialistes de l’environnement, la mise en œuvre de partenariats entre des institutions de haut niveau.

Entre parenthèses, et ce sera le mot de la fin, M. Macron, dans sa soif de toute puissance, a insulté un pays tout entier, ignorant que les Brésiliens sont un peuple qui s’est hissé (en partie grâce à des immigrés en provenance du Japon, de l’Europe, du Moyen Orient) parmi les premières puissances économiques de la planète, extrêmement chatouilleux quant à la fierté d’appartenir à la nation, d’une richesse non seulement environnementale mais aussi culturelle, incomparables.

Oui, M. Macron doit des excuses au peuple brésilien autant qu’il en doit à son peuple pour l’avoir si souvent méprisé et blessé. La République en Marche est une République qui crache beaucoup de sottises et de contre-vérités. Monsieur Macron n’est pas le roi du monde mais plus humblement un président qui, dans quelques années, subira peut-être dans les urnes le sort qu’il mérite…

Yann Le Houelleur, Paris

En couverture: la « une » du Nouveau Franc-Parler, journal que l’auteur de l’article a élaboré et dirigé pendant trois ans, en complément de son travail de correspondant de presse à São Paulo.

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