Elections fédérales, en battant la campagne


Morne campagne électorale, mis à part quelques rares éclats – la pomme de l’UDC et les pages web du PDC – qui n’ont pas eu plus d’effet que des pétards mouillés. Pas de grands débats, pas d’idées novatrices, pas même l’esquisse de ce à quoi pourrait ressembler la Suisse de demain. Mais partout, dans la presse comme dans les rues, des portraits affichés confirmant la personnalisation croissante de la vie politique.

La campagne adopte clairement la couleur verte pour se mettre au diapason des grèves, manifestations et autres actions de jeunes (et moins jeunes) protestant contre le dérèglement climatique ( sur notre photo infoméduse: le départ de la manifestation pour le climat à la Place de la Gare à Lausanne, vendredi 27 septembre 2019). Ces appels aux autorités à prendre sans tarder les mesures nécessaires auraient dû trouver un écho dans les programmes des partis.

Identifier les causes premières du problème

Laissons de côté l’UDC qui s’est mise hors jeu dans ce dossier. Le sursaut écologique tardif du PLR aboutit à une liste de mesures et à beaucoup de généralités. Ce parti mise sur la responsabilité individuelle, l’innovation et la vérité des coûts, dans le contexte d’une économie forte. Mais il se garde de préciser comment cette économie, jusqu’à présent source d’épuisement des ressources naturelles et de gaspillage, devrait changer pour respecter l’environnement et stabiliser le climat.

Le PDC, qui se définit comme «le trait d’union» – nouvelle appellation du centre? – n’est guère disert sur le sujet : une taxe sur les billets d’avion pas plus les «succès» de Doris Leuthard ne font pas encore une politique climatique. Les Verts proposent certes un programme climatique consistant, mais passent rapidement sur la nécessité de transformer l’économie.

Le PSS fait un effort significatif. Son «Plan Marshall» pour le climat – on sent là la patte de Roger Nordmann – décline nombre de propositions touchant aussi bien les transports que les bâtiments, l’industrie et l’agriculture, la production d’énergie. Plus que d’un catalogue, il s’agit d’une véritable stratégie qui combine investissements, informations, prescriptions et taxes incitatives. Par ailleurs le plan explicite les coûts induits et la charge afférente à différentes catégories de revenu.

Bien sûr une campagne électorale ne se mène pas à coups d’épais rapports et de stratégies d’action complexes. Le slogan, le message concis et percutant attirent plus l’attention. Mais pour répondre au défi climatique, il faudra plus qu’isoler les bâtiments, taxer le CO2 et installer des panneaux solaires.

Une logique économique destructrice

L’économiste Werner Vontobel situe précisément le problème en dénonçant une économie des circuits longs: brevetage aux Etats-Unis, production en Chine, montage en Suisse par des ouvriers détachés de Pologne, expédition des déchets en Afrique. Telle est la logique d’une économie qui vise les coûts les plus bas pour des profits les plus élevés. Avec comme conséquences une forte consommation d’énergie et un usage peu économe des matières premières.

Cette modèle économique ne détériore pas seulement l’environnement. Son impact social est lui aussi largement négatif. La globalisation conduit à l’optimisation de la plus-value: par exemple en délocalisant la production ou en menaçant de le faire pour obtenir des baisses de salaire ou d’impôt. Avec à la clé une répartition très inégale des revenus.

C’est donc les modes de création de richesse caractérisant notre économie qu’il s’agit de repenser. Vontobel évoque l’économie de proximité – les Français parlent d’économie résidentielle. Dans quelle mesure des circuits courts de production et de distribution permettent-ils de satisfaire les besoins d’une collectivité? Quelle est la dose optimale de marché qui permet parallèlement le développement d’une économie de proximité?

Pour répondre à ces questions, les économistes devraient d’abord distinguer coûts et bénéfices du marché au lieu de les additionner au sein d’un PIB qui ne comptabilise que la valeur monétaire des biens et des services.

Dans son discours devant l’Assemblée générale de l’ONU, le président de la Confédération a évoqué les innovations, les solutions techniques et les investissements comme les trois piliers d’une politique climatique efficace. Une manière d’éluder les dysfonctionnements de notre modèle économique et les causes de l’érosion des conditions naturelles indispensables à la vie sur Terre.

Le niveau des mers monte, alors construisons des murs. Ou interrogeons-nous sur les facteurs qui contribuent à ce phénomène et sur les moyens de les contrecarrer. Les débats sur le climat et la détérioration de l’environnement vont se focaliser sur ces deux logiques: conserver les structures de pouvoir ou les transformer.

Jean-Daniel Delley

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