Chili, peut-on faire confiance aux économistes?


Le Chili, seule nation d’Amérique Latine admise au sein du club de l’OCDE, il y a peu de temps encore citée en exemple pour sa réussite et son redressement économiques, n’est en fait que la dernière victime en date d’un néolibéralisme dont les ravages sont désormais universels. La déchéance chilienne n’est en effet que le dernier trophée des néolibéraux ayant à leur actif la crise financière des années 2007-2008 que nous subissons toujours par taux d’intérêt négatifs interposés, ou encore l’austérité débilitante imposée en Europe…
 
Il avait pourtant bonne presse ce Chili qui, sous l’impulsion du Vatican des ultralibéraux – la Banque Mondiale -, avait activement insufflé une flexibilité à son marché du travail telle que les syndicats du pays – devenus inutiles – subirent une érosion fatale de leur capacité, pourtant bienfaisante, de médiation. Sa bonne gouvernance était l’exemple à suivre, et par les autres pays d’Amérique Latine, et par l’Europe de l’Est, et par certaines nations du Sud-Est asiatique, tout comme son système de retraites «à la carte» où chaque citoyen contribuerait à hauteur de ses moyens, et qui placerait son trésor de guerre sur des investissements spéculatifs. Mis en place par le frère de l’actuel Président chilien, par ailleurs membre d’une des familles les plus fortunées du pays, ce système des retraites chiliennes se trouve aujourd’hui en pleine déroute pour verser aux bénéficiaires des allocations de l’ordre de 300 $ par mois, dans un pays où les indices des prix ne sont que légèrement inférieurs à ceux des USA, non sans avoir contribué au passage à enrichir toute la caste des opérateurs qui se sont évidemment grassement rémunérés par des frais exorbitants prélevés sur l’épargne des futurs retraités.
 
Le Chili peut donc remercier les économistes néolibéraux car il se retrouve du même coup champion des inégalités dans un continent déjà profondément buriné par des écarts de richesses choquants. Les 5% les plus pauvres au Chili ont ainsi des revenus identiques aux 5% les plus pauvres de Mongolie, alors même que les 2% les plus riches du Chili le sont autant que les 2% les plus fortunés…d’Allemagne ! Ce pays où quasiment tout est privatisé, distribution de l’eau et de l’électricité, retraites aussi incertaines qu’un casino, est – en toute logique – la nation au monde qui abrite le plus grand nombre de milliardaires par rapport au P.I.B., et c’est la nation qui parvient en même temps à assumer l’augmentation du tarif du ticket de métro ayant tout récemment provoqué la colère populaire et des dizaines de morts mitraillés par la police.
 
Voilà où nous ont donc conduit les économistes de l’orthodoxie, infiltrés désormais partout, qui gangrènent les Etats comme les organes de réglementation, chantres de la dérégulation, apôtres des réductions massives d’impôts, grands défenseurs de marchés débridés érigés en juges de paix. Grâce à eux, nous évoluons aujourd’hui dans une contradiction suprême où notre monde – bien plus riche que celui des années 1970 – est aussi nettement plus vulnérable aux chocs financiers. Un monde n’hésitant pas à afficher des écarts de richesses intolérables, un monde où les politiques sont subjugués par les économistes et par les financiers, un monde où l’efficacité a étouffé l’équité. L’économie – censée être au service de la prospérité du plus grand nombre – est donc devenu une idéologie manipulée par des ayatollahs.

Michel Santi

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