Sur les traces du Mésolithique en Haute-Gruyère


Un jour d’octobre, par une météo maussade et assez fraîche, mais sans pluie, nous avons eu l’occasion de participer à une excursion archéologique organisée sous les auspices de la Société d’histoire du canton de Fribourg. Guidés par Michel Mauvilly, responsable du secteur Pré- et Protohistoire au Service archéologique de l’Etat de Fribourg, nous allions marcher sur les traces du Mésolithique.

Cette période, qui va de 9000 à 5000 av. J.-C. environ, succède à l’époque des purs chasseurs-cueilleurs, le Paléolithique, et précède le Néolithique, marqué par l’agriculture, l’élevage et donc la sédentarisation. Période de transition (on y assiste aux débuts de la poterie et de la domestication des animaux), elle a été longtemps négligée et relativement peu étudiée.

Notre balade – ou plutôt notre marche qui va durer 4 heures et demie et nous faire monter puis redescendre de 1’400 à 1’700 mètres d’altitude! – commence au Petit Mont, au-dessus de Im Fang, qui se situe sur la route du Jaun. Tout au long de notre trajet, nous allons longer les Gastlosen, ces montagnes des Préalpes très dentelées, qui présentent en elles-mêmes un grand intérêt géologique. En passant, nous verrons de nombreux chamois nous surplombant. Mais aussi des troupeaux de vaches. Détail révélateur : on y voit de moins en moins de vaches « fribourgeoises » noires et blanches, qui ont été remplacées par d’autres espèces destinées non plus à la production de lait (si mal payé au producteur !), mais à la boucherie.

A l’époque du Mésolithique, le gibier abonde: cerfs, sangliers, chevreuils, chamois, lynx, marmottes, volatiles, etc. L’arc a maintenant remplacé le javelot avec propulseur. Ne parlons pas du feu, maîtrisé depuis fort longtemps. Nos ancêtres se déplacent avec une sorte de «briquet». Ils obtiennent très rapidement une flamme en faisant tourner rapidement un bois dit mâle dans l’orifice d’un bois dit femelle, la vitesse de rotation étant accentuée par une sorte de petit arc.

Il semble que les populations pratiquent une sorte de nomadisme. Elles circulent dans un certain territoire, tenant compte des conditions saisonnières. En hiver elles sont en plaine, en été elles montent à l’altitude où nous nous trouvons, ce qui anticipe sur le «remuage» du bétail qui sera pratiqué pendant des siècles. Il reste une inconnue: toute la «tribu» monte-t-elle, ou bien seulement les chasseurs, donc les hommes?

La zone où nous sommes, alternant pâturages et forêts (beaucoup plus abondantes qu’aujourd’hui), est économiquement intéressante, car elle offre produits de la chasse, mais aussi la cueillette de petits fruits. Et des Gastlosen s’écroulent des rochers, contenant des rognons de roches siliceuses que l’on va pouvoir tailler. De surcroît, l’eau est présente, car une rivière coule au fond du vallon.

A l’époque romaine, les Préalpes paraissent abandonnées, sauf pour des buts rituels, car les conquérants pratiqueront la grande agriculture de plaine, comme le prouvent le site d’Avenches et les villas, avec leurs superbes mosaïques, de Vallon dans le canton de Fribourg et d’Orbe en territoire vaudois. L’intérêt pour les Préalpes renaîtra au Moyen Âge, et surtout au 17e siècle, avec la fabrication du gruyère qui fera la richesse de la région éponyme.

Puis nous passons devant un rocher qui a abrité un «atelier de taille». Ensuite nous pénétrons dans la forêt du Lapé, intéressante car elle présente aujourd’hui encore quasi la même végétation qu’il y a 7000 ans. Mais nous voilà arrivés au lieu du pique-nique de midi. Notre guide a choisi un site caractéristique du mésolithique: un grand rocher offrant un abri, qui pouvait être complété par une «tente» faite d’une peau de grand mammifère, comme le cerf, fixée sur des piquets de bois. Cet espace a fait l’objet de sondages, qui ont permis de mettre au jour beaucoup de silex: quelque 2’000 objets sur une surface de 1,5 m2. Pour les sites de plein air, il est amusant de savoir que ce sont les taupes qui, involontairement, remontent des objets préhistoriques à la surface et orientent les archéologues sur l’emplacement de fouilles possibles. Après cet arrêt, nous parvenons à un espace circulaire qui a peut-être été un lieu sacré. Mais il reste beaucoup d’inconnues.

Les populations du Mésolithique ne restent pas isolées. La recherche a prouvé que des échanges sous forme de circulation d’objets divers (silex, coquillages, etc.) existaient entre régions différentes. Par ailleurs, cette société semble avoir été assez égalitaire et plutôt pacifique. Les véritables guerres meurtrières entre tribus naissent avec le Néolithique. La sédentarisation a en effet induit l’apparition de formes de pouvoir, le développement de richesses (bétail, céréales, etc.) et des désirs de conquête territoriale.

Certes, l’archéologie préhistorique, surtout celle du Mésolithique, n’est pas très «spectaculaire». Elle est loin d’offrir la richesse des sites ultérieurs romains. Mais il s’est révélé très intéressant, grâce au don de vulgarisation de notre guide, de découvrir une société à travers un espace naturel par ailleurs magnifique.

Pierre Jeanneret

Domaine Public

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