UBS et Credit Suisse, trop modeste renforcement des exigences de fonds propres


Le Conseil fédéral resserre un peu la vis de la réglementation bancaire. Mais les grands instituts financiers conservent une marge de manœuvre suffisante pour prendre des risques inconsidérés. En cas de coup dur, l’Etat sera toujours là pour sauver les meubles.

La révision de l’ordonnance sur les fonds propres est destinée à renforcer les exigences de liquidités nécessaires dans le cas d’un scénario de crise. Jusqu’à présent les banques dites systémiques, à savoir celles dont la faillite mettrait en danger l’économie nationale, devaient détenir des fonds propres correspondant au moins à 5% de la somme de leur bilan. De plus elles avaient l’obligation de disposer d’un coussin de liquidité supplémentaire de 4% de cette même somme. Cette deuxième exigence répond à la crainte que les banques en difficulté utilisent une grande partie de leurs fonds propres pour sauver leurs activités à l’étranger au détriment de leurs positions en Suisse.

Pour UBS et Credit Suisse, ce coussin passe maintenant à 5%. Ce point supplémentaire représente pour les deux banques une somme de 24 milliards de francs sous forme d’emprunts rapidement convertibles en cas de besoin, pour un coût annuel de quelque 170 millions par an. Analysant cette information, la NZZ elle-même conclut: le contribuable n’a aucune garantie de ne plus passer à la caisse en cas de faillite de ces banques.

Marc Chesney, professeur de finance à l’Université de Zurich, rappelle que la garantie implicite de l’Etat en cas de crise financière permet à ces banques de se financer à des taux préférentiels. Le FMI avait estimé leurs gains à 26,7 milliards de francs pour l’année 2012.

Cette garantie les incite à réaliser des opérations risquées. Comme avec les produits dérivés censés permettre aux entreprise de s’assurer contre différents types de risques, en réalité un terrain de jeu prisé par les spéculateurs. Ne figurant pas dans le bilan des banques, ils représentent un volume d’affaire colossal: en 2017 pour Credit Suisse, ce volume se montait à 28’800 milliards, soit 38 fois la somme de son bilan, 687 fois le montant de ses fonds propres et 43 fois le PIB helvétique. Autres opérations risquées: les produits structurés, cette combinaison peu transparente de plusieurs dérivés qui a conduit à la crise financière de 2008 et qui, pour les banques helvétiques, représentent un volume de 275 milliards.

Chesney estime que le niveau des fonds propres devrait atteindre 20 à 30% de la somme du bilan pour que la garantie implicite de l’Etat disparaisse. En la matière, il ne fait pas figure d’extrémiste. L’économiste américaine Anat Admati, de l’Université de Stanford et docteur honoris causa de l’Université de Zurich, préconise également un pourcentage du même ordre.

Jusqu’à présent les banques ont réussi à écarter cette exigence. Elles continueront donc à pouvoir emprunter à bon compte grâce au filet de sécurité de l’Etat et à jouer impunément dans le grand casino financier. Jusqu’à la prochaine crise que nombre d’analystes, dont le célèbre économiste Nouriel Roubini, prévoient pour l’an prochain.

Jean-Daniel Delley

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