Justice, paix, transition écologique, Jai Jagat, la marche mondiale Dehli-Genève, est une démarche nouvelle


Les lignes qui suivent ne correspondent pas nécessairement aux vues – souvent très diverses – de l’ensemble des participants à Jai Jagat. Cependant, elles reflètent largement les échanges intenses que l’auteur de ces lignes a eu la chance d’avoir avec Rajagopal et Jill Carr-Harris durant leurs sept séjours à Genève visant à préparer l’accueil de la marche, de 2017 à 2019. Elles reflètent aussi en bonne partie les discussions internes au sein de Jai Jagat Genève, chargé de préparer les événements de septembre-octobre 2020.

ÇA Y EST ! C’EST PARTI ! Depuis le 2 octobre 2019, la marche mondiale Delhi-Genève pour la justice, la paix et la nature s’est mise en route. Elle s’achèvera le 26 septembre 2020. Portant le nom de Jai Jagat – qu’on peut traduire par La victoire du monde et aussi par Une planète pour touTEs, touTEs pour la planète – elle s’adresse à toute l’humanité.

Jai Jagat est une audacieuse épopée mondiale inspirée par un mouvement paysan indien, et son fondateur Rajagopal P.V. Elle veut redonner courage aux exclu.es et aux sans-voix de la planète, à toutes les personnes privées de ressources, de nature, d’emploi, de lieu de vie sûr, de relations sociales harmonieuses, de liberté, de culture, de droits, de paix, de respect, d’environnement sain…

En parcourant 10’000 km pendant un an, les marcheuses et marcheurs paient de leur personne pour dire à l’humanité qu’il est urgent d’empoigner, tous ensemble, les graves défis de notre temps – à commencer par l’exclusion qui engendre tant de violence. A chaque étape, les marcheuses.eurs dialogueront avec des gens et des institutions concernées.

Ce n’est pas par hasard que cette odyssée aboutira à Genève. D’un côté, c’est là qu’on observe l’irresponsabilité chaotique du système international : course aux armes, explosion des exils, dérèglement climatique, violation des droits humains, drames humanitaires, pillage des ressources naturelles… De l’autre, c’est là que beaucoup d’acteur.e.s, conscient.e.s des problèmes, élaborent ensemble des réponses. L’Agenda 2030 de l’ONU, avec ses 17 Objectifs de développement durable (ODD), est en fait un «Plan survie de l’humanité». Cependant, il a besoin de la pression des habitant.es de notre Terre pour être sérieusement appliqué. Jai Jagat, par un dialogue non-violent, mais ferme, vient proposer des solutions pour un monde qui ne laisse personne de côté.

JAI JAGAT nous invite à participer à ce tournant du 21ème siècle ! A côté des déséquilibres qui nous signalent que nous devons changer, il y a des initiatives novatrices, encore minoritaires, comme JAI JAGAT, mais qui pullulent partout dans le monde. Elles nous signalent que nous sommes déjà en train de changer, et que rien n’est encore gagné.

Jai Jagat n’est pas une ONG de plus parmi des milliers d’autres, mais une initiative d’inspiration gandhienne qui vise la convergence des forces de changement, où qu’elles soient. Sa force provient tant des kilomètres parcourus que des aspects novateurs qui suivent.

Des aspects essentiels qui font la différence:

  • Pratiquer la non-violence à tous les niveaux: envers soi-même, envers les «adversaires», envers les êtres vivants et la nature, au sein de Jai Jagat et en dehors, avec nos mots.
  • S’adresser au monde entier. En voulant donner leur juste place aux exclus, Jai Jagat – «la victoire du monde» – concerne les personnes de tous pays, secteurs d’activité et milieux sociaux. Son attitude ouverte, altruiste, doit faire envie et donner de l’espoir.
  • Parler à tout le monde, pas seulement aux milieux habituels qui critiquent la mondialisation et le capitalisme. On encourage, on cultive le dialogue aussi avec des visions différentes voire opposées. On ne changera pas le monde qu’avec des gens de mêmes opinions.
  • Être POUR plutôt que CONTRE. Proposer plutôt qu’opposer, dialoguer au lieu de diaboliser, dépasser la division antagoniste entre «eux» (qui ont tort) et «nous» (qui avons raison). «Je ne crois pas à la théorie de l’ennemi», affirme Rajagopal.
  • Se servir des conflits pour grandir – en osant aller discuter avec des personnes problématiques, en allant demander aux institutions de jouer leur rôle de service à la population.
  • Montrer des solutions qui marchent face aux obstacles, aux comportements et aux inégalités qui menacent l’humanité (cf. Film Demain de Cyrille Dion)
  • Créer un dialogue entre gens de la base et acteurs globaux : une rencontre entre bottom up et top down(entre ce qui vient «d’en bas» et ce qui vient «d’en haut»)
  • Inclure les démuni.es et leurs solutions dans l’intelligence collective (dynamique «bottom all»). Il ne s’agit pas de créer un monde parallèle où les exclu.es s’auto-organiseraient dans leur coin sans pouvoir impacter les tendances lourdes du chaos planétaire.
  • Mélanger les niveaux sociaux, par exemple des jeunes de classes moyennes urbaines partageant des expériences ou des activités avec des villageois.es. Une manière d’ouvrir les cœurs et les esprits de chaque côté en créant un sentiment naturel de solidarité
  • Trouver des alliés partout pour faire avancer ces solutions au lieu de se contenter de dénoncer un système dominant qui les bloque (cf Patrick Viveret et le Dialogue en humanité). Comme dans le binôme yin-yang, chaque partie contient son opposé qui la fertilise
  • Incarner nous-mêmes le monde que nous voulons Sois le changement…»). Le chemin de Jai Jagat est chaleureux, il crée des relations humaines bienveillantes et heureuses, il donne l’exemple. Le «développement durable» sera désirable ou ne sera pas ! Il sera BEAU.
  • Relier transformation individuelle et changement collectif. La lutte sociale seule ne suffit pas à produire une transition. Le développement d’une nouvelle conscience et de nouveaux comportements est aussi nécessaire. L’un ne va pas sans l’autre.
  • Sortir de l’égo et de la prison mentale, basée sur la division entre les êtres, des sermons cérébraux, le besoin d’avoir raison, la création continuelle d’antagonismes, un discours de colère qui rebute inutilement d’autres milieux susceptibles d’appuyer Jai Jagat
  • Atteindre une dimension où les êtres se reconnectent à la nature et au plan spirituel.

Des objections ?

Jai Jagat est parfois critiqué par des activistes et des mouvements «anti-capitalistes» :

  • Pourquoi est-ce que Jai Jagat discute avec des milieux peu critiques envers le système néo-libéral qui multiplie l’injustice, la pauvreté et la violence ? Vous croyez que leur discours gentil et conciliant va changer les choses ? C’est de la naïveté ! Et à quoi sert d’aller à Genève discuter avec l’ONU, ou pire, avec des milieux économiques ?

Ces critiques ont leur sens dans une vision dualiste et antagoniste. Avec un sentiment que c’est à cause d’euxque règne l’appât du gain, la compétition féroce, l’exclusion… Ces phénomènes existent bien sûr et il ne s’agit pas de les nier. Mais on peut trouver des moyens innovants d’y faire face: «Nous sommes ensemble dans ce désordre…». Ainsi, le forum sur l’économie sociale et solidaire que Jai Jagat co-organisera à l’Organisation internationale du travail (OIT) va rassembler des acteurs de tous bords pour proposer des pas concrets vers une économie non-violente.

JJ porte les germes d’une évolution indispensable de la conscience humaine, s’adressant à la totalité du corps social et à l’intelligence collective, rompant avec les clivages «eux et nous», les invectives liturgiques inefficaces contre le néo-libéralisme, etc.

  • Pourquoi est-ce que Jai Jagat s’appuie sur l’Agenda 2030 de l’ONU, qui pour certains semble déconnecté des réalités du terrain ?

Avec des critiques, JJ reconnaît cependant que les ODD et leurs 169 sous-objectifs forment un plan très détaillé pour la survie de l’humanité… à condition d’être mis en œuvre. C’est une première historique d’avoir ainsi une feuille de route mondiale, même encore imparfaite.

Jai Jagat veut stimuler les capacités des gens, où qu’ils soient, d’appliquer eux-mêmes ces objectifs, en se concentrant sur ces quatre piliers : éradiquer la pauvreté, combattre l’exclusion sociale, agir pour le climat et l’environnement, résoudre les conflits par la non-violence

L’espoir d’une transition pacifique

Notre époque troublée nous appelle à l’action. Pour enclencher une véritable transformation aux niveaux économique, social, politique et spirituel.

Le mouvement des jeunes pour le climat est exemplaire, car s’adresse à la responsabilité de toutes et tous à travers les générations et les classes sociales, sans stigmatiser des individus ou des groupes particuliers. Ce faisant, il entraîne une prise de conscience très vive dans de larges milieux, et aussi dans les médias.

Aujourd’hui, tous les passagers du Titanic mondial, de la cale à la dunette des officiers, doivent être sensibilisés et mobilisés pour modifier la trajectoire menaçante de notre vaisseau terrestre.

Cela nécessite aussi un changement spirituel, que Jai Jagat peut accompagner. Le monde a besoin d’un saut de conscience individuelle et collective qui ne peut plus se nourrir de suspicion et invectives, mais de confiance dans le meilleur de l’humain où qu’il soit.

Inspirons-nous des cellules imaginales décrites par la biologiste de l’évolution Elisabet Sahtouris : elles apparaissent dans la chenille avant sa métamorphose et contiennent l’image du futur papillon. Elles sont d’abord pourchassées par le système immunitaire de la chenille avant de se répandre et de faire basculer l’organisme vers le changement. Dans nos société aussi, des «cellules imaginales» apparaissent un peu partoutet se relient pour atteindre la masse critique, préparant l’envol de l’humanité dans son ensemble.

Il faut aussi un nouveau langage qui reflète ce saut quantique. Jai Jagat pourrait y contribuer. Ayons l’audace de lâcher les formatages idéologiques, les vocables imprécatoires… Inventons des ponts vers ceux qui ne «pensent pas comme nous» au lieu de les rebuter inutilement. C’est là le vrai courage, la vraie liberté de pensée, la vraie lutte contre nos peurs et nos préjugés.

Jai Jagat, c’est cela !

Daniel Wermus, secrétaire de Jai Jagat Genève – Contribution: Ena Singh, Jai Jagat Genève

Photo © Benjamin Joyeux: Daniel Wermus (à gauche), aux côtés de Rémy Pagani, conseiller administratif de Genève, Rajagopal et Jill Carr-Harris, initiateurs de Jai Jagat 2020, Palais des Nations, le 8 novembre 2018. 

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