OK Corrall à Washington


Le milliardaire Michael Bloomberg, ancien maire de New York, président de l’agence d’informations financières qui porte son nom et candidat démocrate à la Maison Blanche, a décidé de dépenser un milliard de dollars pour battre Donal Trump. L’élection présidentielle aux Etats-Unis n’a jamais été un aimable pique-nique entre gentlemen. C’est une lutte à mort pour convaincre les électeurs de vous propulser à la Maison Blanche et faire de vous pour quatre ans la femme ou l’homme le plus puissant du monde. Et pour gagner, il faut des millions de dollars. Vae victis ! Et malheur aux pauvres ! 

Pour un observateur européen, la mécanique électorale américaine, c’est un mélange de Mad Max et de La roue de la Fortune ! Les programmes électoraux, personne ne les lit ! Les promesses de campagne, tout le monde s’en fout ! Les meetings électoraux, ça ne rapporte pas une voix, il n’y vient que les convaincus, mais ça fait le show dans les télés. Ce qui compte, c’est combien de pognon les candidats ont réussi à collecter pour faire campagne. Les media suivent avec délectation le baromètre du fric. Et quand un candidat se retire du jeu, c’est parce ses sponsors l’ont lâché. C’est comme à la Bourse : trop de risques pour trop peu de bénéfice ! Et les malheureux tombent les uns après les autres. A ce jeu là, pour un milliard, t’as plus rien!

Le coût d’une élection présidentielle aux USA est démentiel : en 2016, tous les candidats  auraient dépensé 2,17 milliards de dollars, selon le Center for Responsive Politics, un groupe d’experts indépendants américains. Pour les deux finalistes de la course à la Maison Blanche, Hillary Clinton aurait dépensé 770 millions de dollars et Donald Trump, 410 millions. Et dire, qu’en France, ce gagne-petit de Nicolas Sarkozy n’aurait claqué que 43 millions d’euros, en 2012, dont 20 millions de dépassement. 

Vous trouvez que c’est immoral de claquer autant d’argent pour devenir président ? Qui a dit que la politique, c’était moral ? C’est comme le poker : le vainqueur rafle tout. Mais d’où il vient, tout ce pognon ? C’est tout l’art de la politique aux Etats-Unis, trouver des pigeons prêts à financer sa candidature. Ce n’est pas un boulot d’amateurs. Les candidats ont une organisation quasi militaire pour tendre la sébille : A votre bon coeur, M’sieur dame ! L’arme fatale, ce n’est plus le porte-à-porte, mais le mailing ciblé. A chaque meeting, on récolte le mail de chaque participant et on le relance. Chaque candidat a ainsi une précieuse base de données de donateurs. Mais le vrai trésor de guerre, ce sont les dons des entreprises et des généreux financiers, ceux dont le chèque comporte trois zéros. Ce flot de dollars sert à financer les spots TV fabriqués pour flinguer l’adversaire. Bloomberg a décidé de mettre 31 millions de dollars au pot. « Dégoûtant » ! a clamé son vertueux adversaire démocrate Bernie Sanders. C’est cynique, mais c’est comme ça : Si vous n’avez pas les moyens, retournez dans votre bled et laissez jouer les grands garçons. 

Cette année, à côté des valeureux candidats démocrates qui rament pour rester à flot, il y a deux gros calibres : à ma droite, le président des Etats-Unis, le milliardaire Donal Trump ; à ma gauche,  le milliardaire Michael Bloomberg, ex-maire de New York, président de l’agence d’informations financières. Pas besoin d’argent public, ils financent eux-mêmes leurs ambitions présidentielles. Mais ils comptent beaucoup sur les mains généreuses qui signent les gros chèques. Chaque semaine, ils rejouent la scène finale de Gunfight at OK Corall : les mains sur leur Colt financier, ils se défient du regard. La mienne est plus grosse que la tienne et mon magot électoral est plus gros que le tien ! 

Il y a longtemps que les idéalistes qui croient encore à la démocratie dénoncent les dérives du système américain et sa corruption. Braves nostalgiques d’Abraham Lincoln, le président qui proclamait : « le gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple ». Ils prêchent dans le désert du Mojave. Allez au diable, les naïfs de la politique ! Vous croyez qu’on se fait élire avec des beaux sentiments et une morale de prédicateurs? Quand les milliardaires versent des fortunes aux candidats, vous croyez que c’est pour leurs beaux yeux ? Ils en attendent un retour sur investissement : des lois favorables au big business, un poste dans le futur gouvernement ou un poste d’ambassadeur grassement payé. La représentante démocrate Alexandria Ocasio-Cortez a mis les pieds dans le plat :« Donc je peux être totalement financée par les géants des hydrocarbures, les grands groupes pharmaceutiques; et rédiger ensuite des lois importantes en leur faveur? Y a-t-il des limites à ce système? ». Evidemment non, jeune ingénue ! La Chambre des représentants et le Sénat sont composés d’élus qui ont depuis longtemps compris les règles du jeu et qui savent les utiliser pour leur carrière. Pour parodier la célèbre apostrophe de Bill Clinton : It’s the politics, stupid !

Marc Schindler

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