Il y a, peut-être, quelque chose de positif à tirer de l’affaire Ghosn-Nissan


Y a–il quelque chose de positif à tirer de l’affaire Ghosn-Nissan?

La question posée n’est pas incongrue.

Toute chose a son revers. Ce qui se voit de face peut se voir de dos. Le bonheur des uns est le malheur des autres. 

Y a-t-il, donc, un côté positif dans l’affaire Ghosn ?

Récapitulons. Deux grandes entreprises automobiles sont fragilisées, peut-être visées bientôt par des OPA hostiles. La valeur boursière de ces deux géants a brutalement chuté, appauvrissant leurs propriétaires, qui sont loin d’être tous richissimes. L’un des plus grands capitaines d’industrie de cette planète est sous le coup d’accusations déshonorantes. Le personnel de ces deux grandes entreprises est démoralisé, certains des meilleurs cerveaux quittent le bateau pour la concurrence. Des familles s’inquiètent, désormais, pour l’avenir. 

Quel serait le bon côté de ce qui ressemble à un désastre ?

On sait que le Japon est passé, sans transition, dans ses rapports avec l’étranger, d’une fermeture complète vis-à-vis de lui à une politique active et volontariste de copie des éléments organisationnels, venant de ce même étranger, et qui lui paraissaient les plus intéressants. La justice japonaise est passée par là ; la date charnière, la concernant, étant 1867. En 1867, ce qui tenait lieu de système judiciaire, au Japon, c’est-à-dire une forme moyenâgeuse et sommaire de contrôle social, exercé par les seigneurs locaux, a dû commencer à s’adapter aux subtilités de l’organisation occidentale. On imagine le choc culturel que cela a dû représenter. Et les effets de ce choc se ressentent encore, de nos jours, dans les habitudes judiciaires du pays.

Il arrive, parfois, aux paléontologues, dans les champs de fouilles, de tomber sur des fossiles étrangement assemblés : un prédateur… embarrassé d’une proie trop grosse, le gosier encombré, et qui en est mort, étouffé. On a ainsi découvert des fossiles de placodermes, un poisson primitif, avec, toujours, des millions d’années après le drame, le corps de leur proie dans la gueule. Morts tous les deux.

Dans le cas qui nous occupe, qui est le prédateur ? Je dirais : la Justice japonaise. Ce monstre qui avale tout ce qu’il parvient à saisir sans considération de culpabilité ou d’innocence, ce fauve moyenâgeux qui applique l’antique loi du sabre sur le cou de ses victimes. Généralement petites, d’ailleurs. Ce qui est petit se broie plus commodément.

Comment s’y prend-on pour mettre hors d’usage un organisme incapable de remise en question, une machine à broyer devenue hors de contrôle ? On y jette une pierre, un gros objet. Quelque chose de dur, quelque chose qui brisera les dents du monstre et bloquera ses mandibules devenues folles.

Un « gros poisson », par exemple. 

Dans une structure habituée à capturer des petits, des humbles, des étrangers, des asociaux, précipitez … un grand businessman ?

A la place de pauvres, de gens sans réseaux, sans grands moyens, souvent malchanceux, isolés, peu outillés pour se défendre, placez un riche, un puissant, un individu admiré, un homme de ressource, polyglotte, à multiples citoyennetés, un homme difficile à briser. 

Le prédateur est encombré. Ses mandibules sont paralysées. Ses tares sont exposées au grand jour. Le Japon perd la face. Sous la morsure de l’humiliation, il comprend que quelque chose doit changer. Tokyo réforme son système judiciaire, les fantômes des Shogun se dissipent, Nippon entre dans la modernité.

Il y a, peut-être, quelque chose de bon à tirer de l’affaire Ghosn-Nissan.

Bernard Antoine Rouffaer

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