Gangs of New York, le retour


Il y a 17 ans, Martin Scorcese mettait en scène la lutte à mort des gangs irlandais de New York en 1860. 160 ans plus tard, les nouveaux gangs font régler la terreur sur les chauffeurs de taxi new-yorkais, les célèbres yellow cabs. C’est ce que révèle une enquête du New York Times.

Des milliers de chauffeurs de taxi, pour la plupart des immigrants attirés par le mirage de la Grande Pomme, se sont endettés pour des milliards de dollars pour acheter leur licence, les medallions fournis par la municipalité. Pourquoi ? Parce que ces medallions, achetés 200 000 $ ont été vendus jusqu’à un million de $ par les propriétaires de taxis à des chauffeurs qui gagnent péniblement 22 000 $ par an. Endettés jusqu’au cou, incapables de rembourser, beaucoup ont fait faillite et plusieurs se sont suicidés. 

Le scandale des taxis a finir par émouvoir le maire de New York, qui a nommé une commission pour trouver une solution. La solution ? Un partenariat public-privé pour racheter les licences au rabais et effacer les dettes. Une plaisanterie à 500 millions $ ! Le maire a toussé parce qu’une partie de l’argent viendrait de l’argent des contribuables. Pas très bon pour sa réélection ! D’autant que pour convaincre les donateurs privés de mettre au pot, il faudra les encourager fiscalement. Take it easy guys!

Comme on pouvait s’y attendre les nouveaux Gangs of New York, le syndicat des propriétaires de taxis, ont protesté : on n’a rien fait de mal, il s’agit de pratiques commerciales normales, approuvées par les autorités. Tout ça, c’est la faute à Uber, qui fait une concurrence féroce aux yellow cabs. A la suite de l’enquête du NYT, la justice a lancé des enquêtes criminelles. Un collecteur de dettes a été arrêté, des millions de $ versés par les chauffeurs ont été saisis et des lois ont été votées pour prévenir les abus. 

La scandales des licences, ça ne vous rappelle rien ? En France, pour acheter son taxi, il faut une licence gratuite délivrée par la préfecture. Mais il faut parfois attendre jusqu’à 15 ans, parce que les communes limitent le nombre de licences. Si vous êtes pressé, il faut casquer ! Il y a un marché des licences, qui se vendent aux enchères  : 200 000 € en moyenne à Paris, 300 000 € à Nice. La licence, c’est le capital retraite du taxi. On peut la revendre au bout de 5 ans si on l’a achetée ; au bout de 15 ans si on l’a reçue gratuitement. Impossible de la revendre si on l’a achetée après le 1er octobre 2014. Alors, évidement, quand Uber déboule dans le jeu avec ses chauffeurs sans licences, le prix des sésames, acquis à prix d’or, s’effondre et les chauffeurs ne savent plus comment rembourser leurs dettes. 

Quand vous prendrez un taxi, demandez donc au chauffeur ce qu’il pense de Uber. Et attendez-vous à en entendre des vertes et des pas mûres ! Mais pas un mot de travers contre les marchands de licences. Vaut mieux être prudent avec ces gens-là ! Les chauffeurs de taxis parisiens sont certainement la profession la plus détestée : ils ne sont jamais là quand on en a besoin, ils sont arrogants, sans égard pour le client, ils vous imposent leur musique et vous devez les payer cash. La plupart d’entre eux sont des artisans qui travaillent dur pour gagner leur vie et rembourser leurs dettes. Les 35 heures, connaît pas ! Les flics ne leur font jamais de cadeau quand ils roulent trop vite ou qu’ils grillent un feu rouge. Quand l’Etat ouvre le marché aux indépendants de Uber qu’on appelle avec son smartphone et qu’on paye par Internet – ces faux petits patrons, en réalité de vrais salariés exploités – les chauffeurs n’en peuvent plus. Ils bloquent les routes de la capitale, font le coup de main contre les Uber et demandent leur interdiction. 

Ni a New York, ni en France, le marché des taxis n’est un monde de bisounours. C’est un univers dur, sans pitié pour ceux qui ne peuvent pas payer leurs dettes. Un monde où la technologie a tout bouleversé. Partout aussi, les pouvoirs publics naviguent au hasard entre les chauffeurs traditionnels qui défendent leur gagne-pain et les nouveaux entrepreneurs qui conquièrent le marché. Il faut de l’argent public pour sauver les meubles et éviter la colère des nouveaux sans-calotte. On a déjà les gilets jaunes et la CGT sur le dos, c’est pas le moment de voir les taxis dans la rue !

Marc Schindler

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