Chronique d’Alès – La fourmi française chante toute l’année


Je sais, j’ai lu la célèbre fable, c’est la cigale, pas la fourmi, qui « ayant chanté tout l’été/ se trouva fort dépourvue /quand la bise fut venue ». Mais ce bon Monsieur de la Fontaine écrivait au XVIIe siècle. Aujourd’hui, c’est le monde à l’envers : la cigale du Midi ne chante que quand il fait chaud. Mais la fourmi, « pas prêteuse », amasse ses sous toute l’année. Quand elle gagne 100 euros, elle en met 15 de côté. Seuls les Allemands et les Suédois font plus fort.

La France va mal, l’économie patine, le chômage baisse un peu, mais les Français sont assis sur un tas d’or ! C’est Le Monde qui l’affirme dans une grande enquête sur « les paradoxes de l’épargne à la française ». Hourra, tournée générale, champagne ! Et vive la France ! On se calme : c’est une mauvaise nouvelle pour l’économie française. Ces 528 milliards € épargnés au 2e trimestre de l’an passé plombent la croissance. Pourquoi ? On vous explique. Petit cours d’économie pour les nuls.

Les Français épargnent beaucoup, mais ils préfèrent le bas de laine. Ils ont horreur du risque. Ils mettent leurs sous dans des placements de père de famille aux noms rassurants : Livret A, Livret de développement durable, Livret d’épargne populaire : 16,5 milliards l’an dernier. Le problème, c’est que ça ne rapporte rien : 0,5%, alors que l’inflation est à 1,4 %. Ils font donc des cadeaux à leur banquier ! Le pire, c’est l’assurance-vie, le placement préféré des Français. 145 milliards de plus en 2019, mais ils placent leurs sous sur des comptes en €, qui rapportent des cacahouètes, parce que les taux d’intérêt sont au fond du trou. C’est sûr, mais ça ne rapporte rien ! Ces centaines de milliards sont gérés par des assureurs, des banques et des investisseurs institutionnels, qui versent des pensions de retraite aux épargnants. Paradoxe : les Français pratiquent la retraite par capitalisation – qui fait hurler Mélenchon et Martinez – comme M. Jourdain faisait de la prose sans le savoir !

Le problème, c’est que cette montagne de pognon n’est pas investie en actions dans les entreprises françaises pour soutenir la croissance et créer des emplois, mais en obligations qui financent la dette de la France. Résultat : les étrangers rachètent les entreprises françaises. Comme l’explique l’économiste Patrick Artus : « Si l’argent des assurances-vie était investit à hauteur de 30% en actions françaises et non à 5% comme actuellement, les assureurs français deviendraient les propriétaires du capitalisme français ». Et pourquoi ils ne le font pas ? Parce qu’ils veulent des bénefs tout de suite sans prendre de risques. Quand on demande aux Français à quels placements ils font confiance, ils répondent l’immobilier 80% ; l’assurance-vie 67% ; les actions et obligations 45%. Et voilà pourquoi la croissance française traîne les pieds.

Comme les fonds en euros sont à bout de souffle, que le taux des obligations de l’Etat français est négatif, les assureurs et le gouvernement ont fait une union sacrée : il faut convaincre les Français de prendre des risques en investissant leur épargne en Bourse. Bon courage ! Mélenchon, Martinez et Marine Le Pen, dont les compétences en économie sont égales à zéro, serinent aux Français que le grand capital gouverne la France et que le salut viendra d’une augmentation générale des salaires et d’un impôt massif sur les grandes fortunes. Le bas de laine a encore de beaux jours devant lui en France. Les Américains et les Européens ont compris depuis longtemps qu’on ne gagne pas à tous les coups à la Bourse, mais que l’argent qui dort ne garantira jamais une bonne retraite.

Marc Schindler

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