La peur au temps du Coronavirus


Tremblez, braves gens, la peste est de retour ! La peste… enfin, le Coronavirus. Nous sommes tous abasourdis par cette méchante épidémie partie de Chine, qui a déjà tué plus de 3000 personnes dans une cinquantaine de pays. L’économie vacille, les médecins tentent d’expliquer et les politiciens décident de mesures contradictoires qui paniquent le peuple au lieu de le rassurer. Il y a une semaine, les décideurs affirmaient tous, la main sur le coeur : on est prêt à faire face, notre système de santé est solide. En réalité, personne n’a vu venir l’épidémie. Ni les hôpitaux déjà paralysés par la grève des urgences, ni le gouvernement, empêtré dans la réforme des retraites, ni les restaurateurs et les commerçants, qui comptaient sur les touristes chinois pour se refaire après le tsunami des gilets jaunes.

Le Corona virus, c’est comme la Bourse, selon le fameux diction du spéculateur Warren Buffet : « C’est quand la mer se retire qu’on voit ceux qui se baignent nus ». Ne triche pas, ça se retournera contre toi ! Quand même, on vit dans un film des Marx Brothers. Le gouvernement français interdit tout rassemblement de plus de 5000 personnes, mais le leader indépendantiste catalan Puigdemont réunit 100 000 fidèles à Perpignan. On ferme le Salon de l’agriculture, mais pas Disneyland. Dans une commune de l’Oise, la police fait évacuer le marché du dimanche, mais elle laisse ouvert le supermarché voisin. Le préfet de l’Oise ferme les écoles et confine 2000 élèves à la maison, mais il laisse leurs parents aller au travail. Les matches de foot se jouent devant des tribunes vides, mais 3000 supporters italiens déferlent sur Lyon pour voir jouer la Juventus !

Alors, la France a peur. Le directeur de la Santé est l’invité permanent des médias et il fait de son mieux pour rassurer : lavez-vous les mains, mouchez-vous dans votre coude, jetez vos mouchoirs à la poubelle. Défense de rire, c’est du sérieux. Ah, si les Chinois avaient suivi ces excellents conseils ! Les chaînes d’info en continu invitent médecins, politiciens et communicants. Les réseaux sociaux balancent des rumeurs : les malades doivent se raser la barbe, la chloroquine – un traitement contre le paludisme – va enrayer le virus ! On pourrait en rire s’il n’y avait des morts et des malades hospitalisés, chaque jour plus nombreux. Franchement, ça vous rassure de savoir que la grippe tue plus que ce fichu Coronavirus ?

Comme moi, vous étiez sûr que le gouvernement chinois contrôlait l’épidémie d’une main de fer : 50 millions de Chinois confinés chez eux, des hôpitaux construits en une semaine, l’armée mobilisée pour assurer l’ordre dans des villes désertes. Un modèle à suivre pour Marine Le Pen et les tenants de l’ordre. Mais je doute depuis que j’ai lu dans Le Monde cette chronique de la romancière chinoise Fang Fang : « A Wuhan, on transporte les cadavres dans des sacs, emportés sur des charrettes ». Elle est assignée à résidence dans la ville d’où est partie l’épidémie. Elle communique par Internet avec ses amis médecins et elle fait le compte des victimes : « Jusqu’à présent, lorsqu’une personne mourait, son corps était mis en bière et emporté au crématorium. Maintenant, on transporte les cadavres dans des sacs, emportés sur des charrettes. Il n’est pas question d’un mort d’une seule famille, mais de morts par centaines en quelques semaines. ». La suite est plus effrayante : « Pensez-vous que le défunt soit entouré de sa famille dans le salon funéraire à ce moment-là ? Ces morts-là peuvent-ils encore mourir dans la dignité ? Sans dignité, ils ne sont que de simples cadavres traînés jusqu’au crématorium et brûlés aussitôt ». A côté de cette réalité glaçante, nos petites querelles sur l’efficacité des mesures de prévention sont dérisoires. Le président Macron a beau annuler ses rendez-vous pour rester à son poste, il est comme tous les dirigeants du monde : il ignore comment l’épidémie va se propager et ce qu’il faut faire pour rassurer ses compatriotes. Heureusement, il reste les réseaux sociaux pour rigoler un peu. Comme cette photo du maire d’une ville italienne qui soupire : « le métro est un endroit sûr, le temps d’attente est supérieur à la période d’incubation ».

Marc Schindler

Dessin: Stephff

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