Coronariches


L’épidémie de Coronavirus ne connaît pas de frontières, elle se répand de la Chine au Etats-Unis, elle affole l’Italie, elle traumatise la France. C’est la malédiction du siècle, le retour de la peste : « Ils ne mourraient pas tous, mais tous étaient frappés ». Les médias nous abreuvent d’images effrayantes – les hôpitaux chinois où on entasse les morts – ou ridicules – la chancelière Merkel refusant une main tendue. Pour éviter la contagion, il vaut mieux être riche et en bonne santé que pauvre et malade.

C’est ce que révèle une divertissante enquête du New York Times : « Les riches se préparent au coronavirus différemment ». Alors que dans le monde entier, les foules affolées se ruent dans les pharmacies pour dénicher les derniers masques de protection – qui ne servent à rien, selon les médecins – les millionnaires de la finance, de la mode, du spectacle et du sport protègent leur précieuse santé à grand frais. Deux célèbres influenceuses américaines sont apparues sur Instagram avec de superbes masques créés par la société suédoise Airinum. « Ultra-doux pour peau sensible », précise la pub. Ces « urban air mask » sont cédés pour la coquette somme de $ 69 à $ 99. Ne cherchez pas, ils sont en rupture de stock !

Les clients fortunés ne regardent pas à la dépense : $ 35 le flacon de gel sanitaire by Byredo, avec une touche de poire et de bergamote, ou un kit de voyage à $ 150 contenant un nécessaire d’urgence, un sac contre les risques biologiques, des serviettes humides et une lampe de poche. On n’est jamais trop prudent ! Les sociétés privées ont flairé le jackpot. Une compagnie charter de Floride a envoyé à ses clients une offre alléchante : « Evitez le coronavirus en jet privé. Demandez une offre aujourd’hui ». Un vol privé de Floride à New York peut coûter $ 20000. Le président d’une société de location de yachts privés a proposé un voilier de luxe aux Bahamas à un client qui avait renoncé à sa location d’une villa à Florence. Quel affreux dilemme pour les millionnaires : risquer sa santé au Salon de l’Auto de Genève, au Singapore Boat Show ou à Art Dubai, où il faudra serrer des centaines de mains et claquer des milliers de bises ! Heureusement que tous ces raouts mondains ont été annulés.

La grande trouille des riches, c’est d’être obligé d’aller aux urgences pour être diagnostiqué. Des nids à virus, tout le monde le sait ! Pas de panique : à New York, une société vous offre pour une modeste cotisation annuelle de $ 8000 un service d’urgence VIP dans un quartier chic de Manhattan. Ses membres stockent déjà des montagnes d’antiviraux, d’inhalateurs pour respirer et d’antibiotiques. Un jet Gulfstream IV ou un yacht de luxe, c’est très bien pour un court séjour. Mais pour ceux qui veulent vraiment échapper à l’épidémie, la chance suprême, c’est le bunker – un appartement avec chambre à coucher et cuisine isolée et ventilée, avec provisions de nourriture et de boissons, vaisselle et linges, masques et gants de protection. Il y a des années que les survivalistes de la Silicon Valley ont racheté les anciens silos de missiles nucléaires pour se préparer à la fin du monde. Ils se sont équipés de nourriture, de purificateurs d’air et d’instruments sophistiqués pour mesurer la saturation d’oxygène dans le sang. C’est exactement ce qu’ils avaient prévu : une pandémie, un abri sûr dans lequel on peut survivre pendant des mois. Ah, l’argent ne fait pas le bonheur, mais il peut vous sauver la vie.

Le monde n’a pas changé. A la fin du XVIIe siècle, Samuel Pepys, haut fonctionnaire de l’Amirauté, décrivait déjà dans son célèbre journal intime comment la peste ravageait Londres et racontait : « J’ai la joie d’apprendre que le nombre des victimes de la peste est tombé à soixante-dix. Rentré chez moi, je trouvais la compagnie que j’avais invitée… nous avons fait de la bonne musique ». La sagesse chinois nous rappelle que « les riches n’ont pas d’humanité et ceux qui ont de l’humanité ne sont pas riches ».

Marc Schindler

Dessin: Stephff

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