Après le virus, renverser la table


A la faveur de cette crise, notre devoir est de reconstruire la société sur des bases solides, tout comme de réformer en profondeur les marchés financiers et de supprimer une fois pour toutes leur capacité de nuisance intrinsèque. Car, une fois de plus et c’est assez comme cela, le choc économique et financier qui se déroule sous nos yeux en ce mois de mars 2020 achève de prouver l’asymétrie entre les heureux élus bénéficiaires à tous les coups de la donne financière et l’homme et la femme ordinaires ayant à se battre pour nourrir leur famille en ces moments où leurs revenus deviennent incertains.

Il en va de même pour cette distanciation sociale très justement prônée par nos autorités et qui, pour moi, est représentative de la fracture très grave de notre société actuelle. Il faut savoir que les marchés financiers la pratiquent – cette distanciation sociale – depuis de nombreuses années car voilà une trentaine d’années que les bourses – autrefois lieu de rencontre et de réunion incontournables et bouillonnants entre banquiers, courtiers et investisseurs – ne sont plus que des espaces calmes, ennuyeux, confinés. La finance est donc prête à vivre longtemps en compagnie du coronavirus, tandis qu’au même moment 70 millions de réfugiés entassés dans des camps à travers la planète attendent avec résignation d’en être infectés.

La finance est devenu un poids quasi-mort qui tire la société vers le bas, à l’instar de cette sordide compagnie appelée Boeing qui a dépensé les trois-quarts de ses liquidités à racheter en bourse ses propres actions, et dont l’hyperfragilisation subséquente en temps de forte crise comme aujourd’hui devient un problème global. A l’heure où les destinées de nombre d’entreprises à travers le monde sont aux mains de mégalomanes ayant largement privilégié l’ingénierie financière à la création de richesses (but ultime de la finance censé profiter la collectivité), les sociétés cotées les plus importantes au monde se sont endettées ces dernières années à hauteur de 13.5 trillions de dollars (soit 13’500 milliards de milliards) pour racheter leurs propres actions au lieu d’investir dans l’outil de production et dans la formation de leurs salariés.

En somme, nous n’avons rien appris de 2008 et avons même intensifié notre exposition, exacerbé nos risques, tant et si bien que cette vulnérabilité extrême infecte désormais même les plus modestes. Voilà pourquoi les réponses et les programmes – certes énergiques – annoncés ces derniers jours par l’Europe et par les Etats-Unis ne sont que peu appropriés car cet interventionnisme ne répond pas aux préoccupations et inquiétudes légitimes de la société. J’ose me faire le porte-parole d’une écrasante majorité de citoyens «ordinaires» en affirmant que nous n’accepterons de subir cette crise aiguë et sans nul précédent (encore une !) à la seule condition que les vices de forme et de fond de notre système soient immédiatement corrigés.

Que les femmes et les hommes d’Etat ayant suffisamment de trempe pour refuser que l’économie et que la finance continuent à régner en maîtresses alors que la société doit suivre servilement sortent enfin de l’ombre. La catastrophe économique qui nous guette irrémédiablement impose de poser les bonnes questions et exige un grand nettoyage. Que ce virus en soit remercié, qu’il gagne même le Nobel d’économie, s’il aura permis la mobilisation de toutes et de tous.

Michel Santi

Tags: ,

Mentions légales - Autorenrechte

Les droits d'utilisation des textes sur www.lameduse.ch restent propriété des auteurs, à moins qu'il n'en soit fait mention autrement. Les textes ne peuvent pas être copiés ou utilisés à des fins commerciales sans l'assentiment des auteurs.

Die Autorenrechte an den Texten auf www.lameduse.ch liegen bei den Autoren, falls dies nicht anders vermerkt ist. Die Texte dûrfen ohne die ausdrûckliche Zustimmung der Autoren nicht kopiert oder fûr kommerzielle Zwecke gebraucht werden.