Chronique d’Alès – Le jour d’après


PAR MARC SCHINDLER

Il faudra bien qu’elle se termine un jour, cette pandémie, qui a déjà tué des milliers de malades dans le monde entier et qui a plongé le monde dans la récession. Quand ? Cessez de poser la question, personne n’en sait rien. Et surtout pas les responsables politiques qui n’ont rien vu venir et qui n’étaient pas préparés. On ne sait même pas soigner la maladie, on n’a pas encore de vaccin. Alors, prévoir le jour d’après !

Essayez d’imaginer le monde d’après comme un champ de bataille, quand on aura enterré les derniers morts, quand les derniers malades seront rentrés chez eux, quand les millions de chômeurs feront la queue à la soupe populaire, quand les petits patrons ruinés se suicideront ! La pandémie en moins, c’est ce qui s’était passé lors de la grande crise en 1929. Le pire n’est jamais sûr, mais le jour d’après les catastrophes n’est jamais rose. En attendant d’y voir clair, les gouvernements déversent des millions de milliards pour essayer de maintenir à flot les entreprises qui coulent et leurs salariés qui se noient. Tout le monde se croise les doigts en espérant que ça marchera. Et pour rembourser et les conséquences pour l’économie? On verra plus tard !

Pourtant, il y a des gens qui imaginent le monde dans lequel nous vivrons. Pas le «sage» de la Maison Blanche, qui ne pense qu’à sa réélection. Ni le sphinx de Pékin, qui espère que la Chine profitera de l’épidémie pour devancer les Etats-Unis. Ne comptez pas trop sur les hommes politiques pour imaginer des solutions courageuses. Ils sont trop occupés à gérer la crise. Alors qui ? Les philosophes ? Ils ont parfois d’excellentes analyses. Malheureusement ils n’ont aucun pouvoir politique. Les économistes ? Ils ont beaucoup de talent pour nous expliquer pourquoi les gouvernements ont fait tout faux. Ils ont parfois de bonnes propositions, comme Thomas Piketti : « Cette crise peut être l’occasion de réfléchir à une dotation sanitaire et éducative minimale pour tous les habitants de la terre ». Ou des éditorialistes, comme James Bennet, du New York Times : « Mettre de côté les petits différences, reconnaître des priorité nationales, examiner les relations entre employés et employeurs, les fossés en termes de richesse et de revenu entre les générations et les races… écouter les pauvres et les riches, les milieux d’affaires, les activistes, les philosophes ». Ou comme Françoise Fressoz, dans Le Monde : « Chacun y va de son utopie – le patriotisme économique, la démondialisation, le loyalisme, la croissance verte -, en faisant fi du champ de ruines qu’il faudra d’abord se coltiner. Les lendemains qui chantent ne viendront qu’après la prise de conscience du vertige de la crise. On n’y est pas encore ».

On avait presque oublié la Convention citoyenne pour le climat lancée par le président Macron pour réfléchir à l’avenir de la France. Cent cinquante Français tirés au sort ont planché pendant des semaines. Ils viennent de rendre sur copie : 50 propositions pour « porter l’espoir d’un nouveau modèle de société », qui veulent répondre à la crise sanitaire et à la crise climatique. Plein de bonnes idées : «rénover 20 millions de logements, contenir l’étalement urbain, réduire la place de la voiture individuelle, freiner la surconsommation, décarbonner l’économie ».

Il faudrait vraiment être naïf pour croire que toutes ces propositions vont passer comme lettre à la poste. Dans le magazine suisse Bilan, l’excellente journaliste Myret Zarki, pas vraiment une gauchiste, explique : « La pandémie a révélé tout le passif d’un système orienté profit, mais faible au plan de la responsabilité sociale et du souci de l’intérêt général. Mais comme le système financier sera une fois de plus sauvé par la planche à billets, l’impulsion manquera pour engager des réformes de fond». Une remise en cause du système ? Peu probable : les milliards déversés vont faire gagner de l’argent aux marchés financiers – la Bourse est repartie – mais ils vont relancer l’inflation, c’est à dire réduire le pouvoir d‘achat. Les contribuables paieront. Pourquoi voulez-vous que les grandes banques et les multinationales changent de politique, puisque les gouvernements compensent leurs pertes et financent le chômage ? On a envie de rappeler cet aphorisme du romancier Herbert G. Wells : « La crise d’hier est la blague de demain ».

Dessin: Stephff

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