Chronique d’Alès – Appelez Macron!


PAR MARC SCHINDLER

« Better Call Macron ». Non, ce n’est pas le titre d’une nouvelle série sur Netflix. C’est le mantra de 67 millions de Français frappés par la crise du virus. Quand on est confiné chez soi, quand son entreprise a fermé, quand les gosses sont privés d’école, quand on ne sait plus comment payer ses factures, un seul réflexe : au secours, c’est l’Etat qui va me sauver. Salariés, fonctionnaires, agriculteurs, patrons – tout le monde attend que Jupiter, qui siège à l’Elysée, déverse des milliards pour sauver la France qui coule.

Le ruissellement de la manne publique n’est pas prêt de s’arrêter. A chaque jour, la valse des milliards : pour les salariés au chômage partiel, pour les entreprises fermées, pour les restaurateurs menacés de faillite, pour les hôpitaux en détresse, pour les vieux confinés dans les maisons de retraite, pour les fonctionnaires «au front». Plus personne ne se risque à compter. Plus personne non plus pour se demander si ce déluge monétaire est la bonne réponse. Plus personne enfin pour oser demander qui remboursera tous ces milliards. Faites confiance au président, il sait ce qui est bon pour vous !

Pour un observateur étranger, qui a passé sa vie de journaliste à suivre et à commenter l’actualité française et qui a choisi de passer sa retraite en France, ce pouvoir souverain de l’Etat reste un mystère. La France est ce pays qui n’a jamais réussi à équilibrer son budget depuis 40 ans, ce pays qui a laissé tomber son industrie, qui a autorisé Apple, Google et Amazon à coloniser son économie. Ce pays qui a mis son industrie pharmaceutique sous la dépendance de la Chine et de l’Inde. Ce pays qui a instauré la semaine de 35 heures pour créer des emplois et dans lequel il y avait plus de 5 millions de chômeurs avant la crise. Il n’y a qu’en France qu’un juge décide si une entreprise a le droit de licencier. Il n’y a qu’en France qu’un tribunal, sous la pression des syndicats, ordonne à un géant du commerce en ligne quels produits il a le droit de livrer. L’Etat centralisé régit la vie des Français à coups d’attestations dérogatoires, de contrôles policiers et d’une pluie d’aides diverses. Si l’Etat était un bon gestionnaire, cela se saurait. Les brillants cerveaux formés par les grandes écoles n’ont pas su éviter la déconfiture d’Alstom ni d’Arcelor. Ni la prise de contrôle des prestigieux vignobles par les Chinois ou la mainmise des fonds de pension américains sur les fleurons du CAC40. Mais, quand le virus menace de ruiner l’économie, comme le souligne le Figaro : « La France renoue avec son péché mignon : l’économie administrée ». Le correspondant à Paris du quotidien suisse Le Temps, pas vraiment de gauche, précise : « Revoir surgir ce vieux rêve d’un Etat omniprésent dans l’économie, à la fois guide, planificateur, investisseur et garant d’un haut niveau de protection sociale, est tout ce qu’il y a de normal ».

Mais qu’est-ce qu’il lui prend, à Macron, lui le champion du libéralisme, l’ancien banquier privé, le thuriféraire de la rigueur financière et fiscale, de tourner sa veste idéologique et de prôner l’intervention de l’Etat ? Au point d’envisager même de nationaliser les canards boiteux nationaux, Air France, plombé par ses syndicats, et Renault, déstabilisé par son ancien patron voyou ? Et si l’Etat était le problème et pas la solution ? Depuis Mitterrand, tout le monde sait bien que les fonctionnaires n’ont jamais été de bons gestionnaires. Tout le monde, sauf les économistes de gauche, qui rêvent d’un grand soir et d’une société plus juste, évidemment financée par l’argent des contribuables. C’est vrai aussi, la France est une société plus solidaire que mon pays, la Suisse, un pays dans lequel l’Etat intervient peu dans l’économie, où le budget fédéral affiche un bénéfice d’un demi-milliard, où le chômage atteint 2,6%, où les salaires font rêver les Français. Mais un pays où le coût de la vie est écrasant, où 8% des habitants sont pauvres, où le poids de l’assurance maladie est insupportable pour la classe moyenne. Il a fallu l’épidémie pour que la Confédération intervienne et débloque 42 milliards de francs pour soutenir l’économie. En Suisse, on n’a pas l’habitude de demander de l’argent public pour s’en sortir. Ce que le patronat et les partis de droite demandent, c’est : laissez nous gérer nos affaires. Les Français devraient méditer cet aphorisme de Renard Argenté, écrivaillon et motard : « Se croire sorti de la cuisse de Jupiter. Depuis l’antiquité, ils connaissent déjà Macron ».

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