Le confinement favorise l’explosion des banlieues


PAR YANN LE HOUELLEUR

L’ «incident » survenu à Villeneuve-la-Garenne, lorsqu’un motard véreux a été blessé par des policiers, a mis le feu aux poudres dans les banlieues. Chacun y va de son couplet pour expliquer ces scènes de violence et les amalgames vont bon train. La décrue des trafics de drogue explique en grande partie la montée en force de la colère parmi certaines couches de la population. Mais il ne faudrait pas oublier que quarante ans auparavant, pour « détendre l’atmosphère » dans les cités, le pouvoir s’est mis à favoriser, d’une certaine manière, le business de la came …
 
Non seulement le confinement est-il générateur d’un climat anxiogène au sein même du peuple français qui voit se profiler des lendemains terrifiants avec un chômage colossal. Mais encore faut-il, maintenant, assister à des images d’une extrême violence : celles de jeunes gens, dans plusieurs cités de banlieue, aux prises avec les forces de police.
Villeneuve-la-Garenne (26.00 habitants sur 325 hectares) : à la suite d’un grave « incident », un jeune motard blessé à la jambe par l’ouverture d’une portière de voiture où se trouvaient des policiers, un série d’émeutes et d’échauffourées ont éclaté non seulement dans cette ville mais dans plusieurs communes mitoyennes et d’autres villes situées dans des départements autres que le 92.

INSULTE AUX VICTIMES – Des rédactions – télés et journaux –  n’ont pas tardé à découvrir que le motard en question n’était pas un innocent. Ainsi que l’a relevé Nadine Morano sur son compte twitter, il s’agit d’un « voyou condamné quatorze fois, un délinquant multirécidiviste ». On peut aimer ou non cette élue (Parlement européen) qu’est l’ex-ministre de la Famille sous le gouvernement Sarkozy. Mais elle a quand même pris le devant d’une frange de la population qui n’est pas dupe : il serait erroné d’accuser la police de tous les maux parce qu’elle a été appelée à rétablir l’ordre dans les quartiers dit sensibles. Toujours sur son compte twitter, Synergie-Officiers (Syndicat du corps de commandement de la police Nationale) a fustigé, non sans raison, « le fait de faire passer un criminel notoire multiréciviste et violent pour une victime, ce qui est une insulte aux victimes. La comédie surjouée sur son lit d’hôpital contraste avec le palmarès de telles sanctions »
En effet, avide de sensationnalisme, la chaîne BFM a réussi a interviewer le « maudit motard » sur son lit d’hôpital, prenant le risque de jeter de l’huile sur le feu.

GENNEVILLIERS – Mercredi soir, 22 avril, lors d’une émission présentée par Pascal Praud (un journaliste parfois pas très subtil), plusieurs protagonistes se sont affrontés autour d’un thème récurrent : « Nos banlieues au bord de l’explosion ? » Cette question a… pignon sur rue depuis quarante ans. Plus le temps passe, moins la France ne change…
Certaines banlieues ont été conçues, faut-il l’avouer, comme des ghettos. Beaucoup de quartiers, où sévissent des taux de chômage himalayens, vivent en partie des trafics en tout genre qui prospèrent et sur lesquels, assez souvent, la police ferme plus ou moins les yeux. J’en veux pour preuve un quartier de Gennevilliers, où j’ai dessiné, en janvier, sous les yeux de jeunes gens pourtant fort respectueux. Certains m’ont dit : « On n’aime ni le maire ni la police car il nous empêchent de faire du fric ». Un petit gars a prétendu que par semaine ses copains et lui parvenaient à recueillir… 50.000 euros.

Curieuse superposition de populations : une grande partie des habitants (ceux échappant au chômage) ont des emplois mal rémunérés hors de ces banlieues, parfois à Paris, alors que nombre de jeunes, réfractaires à toute autorité, vendent de l’herbe, de la coke, tout un éventail de « produits » sitôt la nuit tombée au pied des immeubles où dorment ces travailleurs pauvres.

HUILE SUR LE FEU – Mais pour autant, il ne faudrait pas fustiger ces populations, ainsi que certains commentateurs le font trop volontiers, comme des « terrains perdus de la République où les islamistes poussent à la sécession ». Car ce genre d’argument conduit aux pires amalgames et s’il est vrai qu’il faut condamner le radicalisme en matière religieuse, expliquer le malaise des banlieues sous un tel angle revient à jeter de l’huile sur le feu et à manier les pires amalgames. Désolé, mais je (Yann Le Houelleur) fais partie de ceux qui pensent que la République est compatible avec l’Islam.
S’il est un commentateur qui a chevauché cette « poudrière idéologique », c’est bien Ivan Rioufol, éditorialiste au Figaro, qui serait bien avisé de flâner un peu dans les cités pour voir la réalité de près. Lors d’une récente émission sur CNews présentée par l’inévitable Pascal Praud, il s’est indigné quant à « un refus de s’intégrer à la République ». Propos dangereux et inconscients.

FRACTURE VOULUE PAR LES MEDIAS – Elle a bon dos, la République. Un fin connaisseur m’expliquait récemment, sous le sceau du secret, les faits suivants : « Lorsque Charles Pasqua était ministre de l’Intérieur, un plan secret fut mis en œuvre dans les banlieues afin d’y détendre le climat social et économique. Le pouvoir a favorisé le tissage des réseaux de distribution de drogue et de la sorte tout une économie parallèle s’est instaurée » Difficile, dès lors, de croire en la sincérité de certains des représentants, notamment LR, de la droite dite sociale !!! Des chiffres impressionnants courent: ce business de la came attendrait, bon an mal an, 2 à 3 milliards d’euros.

Enfin, il serait bon de s’interroger sur le rôle des grands médias dans cette crise des banlieues. Les journalistes des grandes chaînes, par ailleurs grassement payés, interviewent rarement des personnes connaissant le terrain. Lors des émissions de grande audience sur BFM-TV, CNews et LCI, seul de grands spécialistes comme le criminologue Alain Bauer sont amenés à décrypter les violences dans les banlieues.

Armé…  d’une caméra , un jeune journaliste courageux, détenteur d’une carte de presse, dont le reportage a été diffusé par Le Média (lié à la France Insoumise) s’est énervé : « Mon travail ne plait pas (sous entendu : aux autorités). Si mon boulot était jugé convenable, je serais embarqué avec les caméramans de certaines chaînes de télé pour faire des reportages choc. Il est clair que les grands médias portent une responsabilité essentielle dans les fractures (note : socio-économiques) qui se font jour pendant la période du confinement.

Cher confrère, vous n’avez que trop raison. Continuez à nous informer autrement que certains journalistes se contentant d’avoir le nez collé à leurs écrans…

Nouveau Franc-Parler

Photo YLH: Gennevilliers, la Grande Barre de Victor Hugo, la nuit tombée au pied des immeubles où dorment les travailleurs pauvres.

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