PAR CLAIRE-DOMINIQUE DES GOUTTES
En ce matin de Pâques 12 avril, une Bernache canadienne glissait doucement et majestueusement au fil de l’eau à la Perle du Lac ; elle avait choisi cette rive toute fleurie de tulipes grenats, roses et blanches, inspirée par ce décors flamboyant de la prairie ombragée d’arbres séculaires.
Très digne, l’oie dressait le port altier de sa tête noire aux joues blanches, elle ondulait nonchalamment, mue au moteur silencieux de ses palmes noires. Avançant à son rythme imposant et princier, l’oie regardait devant elle avec son œil aux aguets.
Si cette Bernache était encore célibataire, elle ou il aurait encore deux ou trois ans pour se décider à fonder une famille. Selon les ornithologues, il ou elle sera ensuite monogame, fidèle et sans divorce. Bien qu’une Bernache polygame ait été observée à Paris, la coquine! Si notre Bernache du jour était un mâle adulte, alors sa promenade pascale et solitaire avait pour but de veiller sur la sécurité de Madame qui devait couver dans le voisinage.
Qu’importe, aujourd’hui notre palmipède anatidé naviguait et régnait seul sur l’onde dans la lumière de cette journée de fête. Personne ne devait déranger sa sereine matinée.
Or, un peu plus loin, des foulques bavardes batifolaient, plongeaient et tournoyaient dans l’eau. La Bernache les regardait de loin, hautaine, noblesse oblige.
Mais quand soudain, les deux foulques caquetèrent très fort, se dressant verticalement l’une contre l’autre en se battant, la Bernache, fut importunée, tourna la tête, fronça un sourcil et leur fonça dessus :
– Comment, ose-t-on me déranger ou me concurrencer dans ma navigation spirituelle !
Les piaillements se faisaient de plus en plus fort, le caquetage était agressif ; les deux foulques mâles en venaient maintenant aux ailes et se piquaient du bec la queue et la tête en s’arrachant quelques plumes.
– Cette fois, c’en est assez, cagnarda la Bernache et, déroulant en avant son long cou noir, transformé soudain en un serpent à plume, elle s’élança sur les deux foulques en chamaille. Son bec largement ouvert, piquait de droite à gauche avec des coups de plumes afin de séparer les deux fous.
Surprises et déconcertées avec quelques plumes en moins, les deux foulques se lâchèrent prise.
- Ça vous apprendra à vous chamailler un jour de Pâques !, cacarda-t-elle encore avant de s’éloigner dignement.
Les deux foulques séparées de force, nagèrent ensuite chacune de leur côté. Cette dispute de mâles en mal d’amour était observée de près avec un intérêt soutenu et tranquille par la demoiselle foulque, l’objet de convoitise des deux amourachés.
Le calme se rétablit sur ce lac irisé par la lumière transparente du jour. L’incident semblait clos lorsque tout à coup une nouvelle provocation de ces deux agités retentit avec force criailleries.
La Bernache, définitivement mâle au comportement agressif reconnu, s’était déjà distanciée, mais à ces cris, elle fut rappelée par l’ordre de service.
L’oiseau virevolta d‘un coup sec et nerveux et se reprécipita sur les combattants, usant cette fois d’un bec ouvert et refermé en guise de pince pour séparer l’entrelacs de plumes de ces deux jacasses.
En prenant du large, mais encore courroucé, la Bernache claironna encore :
– Foulques amoureuses et belliqueuses, vous êtes confinées, restez chez vous!
Puis, Monsieur Bernache, avec panache et à grands coups de palmes, regagna le rivage, fier de sa mission pacificatrice accomplie.
Fin de l’épisode
Cette observation est véridique avec témoin
Dessins: R.O
