En détresse, les agences de voyages se remettent en question


PAR GERARD BLANC

Le Covid-19  va en laisser plus d’un sur le carreau.  Les entreprises liées aux loisirs seront les dernières à recevoir l’autorisation de rouvrir leurs portes. Mal en point, les agences de voyages  affirment leur utilité et leur éthique.  

 Si le tourisme est, pour beaucoup de pays, un apport économique important, voire essentiel à son économie, les gouvernements encouragent pour l’instant chacun de leurs ressortissants  à voyager dans le périmètre de son propre pays. Pourtant,  nombreux sont les pays à vocation touristique qui vivent surtout grâce à l’apport touristique des visiteurs  hors frontières.  

Ne nous voilons pas la face, l’un des secteurs le plus touché par la pandémie actuelle est celui des agences de voyages. Les revenus des quelques 1000 points de vente de voyages répartis sur tout le territoire helvétique proviennent pour  90% des voyages internationaux, affaires ou loisirs. Ils ont été gelés depuis mars 2020 et risquent de l’être encore pendant quelques mois. Leur situation est alarmante et nombreuses sont celles qui devront  mettre la clé sous la porte.   

L’avènement du lowcost, et de l’illusion laissée à chacun qu’il puisse s’improviser agent de voyages par le biais d’Internet, et surtout d’y trouver la combine la moins chère possible a déclenché un phénomène qui s’est emballé avec l’arrivée des  Uber, AirBnb et autres Tripadvisor et donné lieu à une utilisation débridée du voyage pour en dénaturer la valeur. A défaut de conseils pertinents de la part de son agent de voyages, une grande partie de voyageurs, ayant dans l’esprit d’accumuler les destinations plutôt que de les savourer, ont dénigré cette profession injustement décrite comme un intermédiaire inutile.  L’agent de voyage (le vrai)  fait aujourd’hui un travail peu voire pas rémunéré  en dispensant ses conseils en bonnes affaires met parfois, par la force des choses,  ce pour quoi il est normalement qualifié, à savoir d’être un conseiller en bons hôtels, en bons contacts, en découvertes de sites culturels ou de civilisations, etc. 

Ces professionnels ont été les premiers à devoir fermer boutique et seront probablement les derniers à les ouvrir, tant que les transports internationaux, sujets à la réouverture des pays d’accueil au tourisme venant de l’étranger, ne seront pas rétablis.  Entretemps, plusieurs agences auront fait faillite. La saison d’été, celle qui permet aux agences d’assurer leur revenu pour l’année entière,  sera sacrifiée. Mais, pour l’instant, les pouvoirs publics ne s’intéressent guère à cette profession. 

Ces derniers mois, à défaut de travailler à vendre des vacances,  les agences ont dû consacrer leur temps  et leur énergie à procéder  à toutes les annulations de voyages, un gros travail ayant pour but de préserver les intérêts du client, face, par exemple, aux compagnies aériennes ou aux chaînes hôtelières qui, à défaut de chercher à leur venir en aide, ont accumulé les tracasseries administratives visant à éviter d’accorder des remboursements ou mieux, à les rendre compliqués  afin d’encourager les voyageurs à abandonner toute demande.   Aujourd’hui, nombreuses  sont les compagnies aériennes qui, d’une part, réclament des subventions de la part des Etats et refusent d’autre part de rembourser cash le voyageur en préférant lui donner des « bons à valoir » qui, souvent, sont accompagnés de conditions restrictives plus que discutables. Récemment, le CEO d’Hotelplan, Thomas Stirnimann, s’en est directement pris à Swiss en déclarant, en substance : «Les agences de voyages ont avancé à Swiss, et donc au Groupe Lufthansa, des millions de francs avec l’argent des clients. La loi sur les voyages à forfait oblige les agences de voyages à rembourser l’argent aux clients en cas d’annulation, mais rien n’est versé par la compagnie Swiss. Elle a pris l’argent des clients et a ensuite bloqué unilatéralement toute possibilité de  remboursement dans ses systèmes informatiques. Swiss pousse l’ensemble de la branche dans un gouffre financier ». Entre temps, le DFF (Département Fédéral Suisse des Finances) qui avait accordé à Swiss un prêt de 1.2 milliard de francs a  finalement posé comme condition que les billets d’avion payés entre le début du confinement et le mois de septembre  fassent l’objet d’un remboursement cash auprès des voyageurs et des agences de voyages.  

Ces mêmes agences ont, de plus, été sollicitées par le DFAE (Département Fédéral des Affaires Etrangères) pour lister tous les citoyens suisses encore à l’étranger, les contacter afin de leur fournir les indications nécessaires leur permettant de se faire reconnaître, et veiller à leur bon rapatriement, travail non rémunéré  qu’elles ont effectué avec dévouement et dans un esprit de conscience professionnelle, y compris, parfois,  envers des voyageurs qui n’étaient pas passés par leur intermédiaire.  Mais, en plus, dans un récent communiqué, l’IATA  (Association Internationale du Transport Aérien) a exhorté les agences de voyages à apporter leur soutien aux compagnies aérienne en répertoriant le nombre de passagers potentiels  en prévision de la reprise du trafic afin de mieux planifier l’organisation des vols … et ce, gratuitement,  bien entendu.   

Les voyageurs d’hier ont-ils compris que l’intermédiaire d’un professionnel  pouvait être précieux? Souhaitons-le. Tout reviendra-t-il comme avant?  C’est avec une agréable surprise que j’ai lu un communiqué émanant de la branche romande des agences de voyages, et faisant état d’une philosophie qu’on n’attendrait peut-être pas de sa part: 

« … Il faudra retrouver un monde  peut‐être différent de celui que l’on a connu. … un tourisme nouveau, plus conscient de la richesse du monde et de la nécessité de la préserver. Un « slow tourisme » en groupes restreints afin de limiter les dégradations de la nature et des lieux. Un tourisme dans lequel l’humain serait, non pas exploité, mais respecté. Un tourisme qui  retrouverait une vraie valeur … »

Je pars

Sources : IATA/Bilan/Le Temps/Hotelplan

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