A Venise avec Italo de Grandi


PAR PHILIPPE JUNOD

Les voyageurs qui profiteront des opportunités offertes par le virus chinois auront peut-être le privilège de découvrir une Venise déserte, enfin débarrassée de la malédiction de ses hordes de touristes. Mais les sédentaires pourront se consoler en allant admirer les aquarelles d’Italo de Grandi, exposées par ses enfants et neveux dans la belle maison familiale, construite à Corseaux par l’architecte pionnier Alberto Sartoris en 1939 pour les deux frères peintres, et transformée aujourd’hui en musée .

On sait que l’aquarelle, comme la fresque, est une discipline redoutable. L’erreur n’y est pas permise, la retouche impossible, et son exécution exige une sûreté du geste et une maîtrise de chaque instant. En l’occurrence, il est stupéfiant de constater qu’aucune des nombreuses feuilles présentées ici ne porte de trace de dessin préparatoire ! Et pourtant, cette précision dans la représentation des monuments témoigne d’un sens de la construction et d’une sensibilité architecturale tout italienne, Italo De Grandi honorant ici son prénom comme ses origines ! Quelques beaux dessins de son épouse Elisabeth complètent cet aspect.

Mais l’artiste sait concilier rigueur et spontanéité, et c’est pour ainsi dire à pinceau levé qu’il rend le charme pittoresque de l’espace urbain. Sa virtuosité ne se limite pas à suggérer la structure des bâtiments, elle excelle également dans la construction de la profondeur par la grâce d’une perspective atmosphérique faite de subtils dégradés de valeurs. Ici encore, l’aquarelle fait merveille. Venise, flottant sur l’eau, est sublimée par cette peinture à l’eau, dont l’économie de couleurs rejoint presque celle du lavis. Utilisant un papier à gros grain, qui restitue à la fois la texture des murs et la densité vaporeuse de l’air, l’artiste varie les lumières, les heures et les saisons avec une attention toujours renouvelée. L’évocation de la ville dans le brouillard, par temps gris ou sous la neige, comme celle de sa banlieue industrielle, témoignent d’une originalité certaine dans un genre pourtant bien rebattu. Et l’absence de personnages contribue à l’effet d’étrangeté de ce portrait insolite d’un lieu que l’on croyait connaître.

Un dépliant précise l’identité de chacun des sites peints dans la soixantaine d’aquarelles présentées. Mise en valeur par un accrochage sobre que soulignent des textes en hommage à Venise, cette exposition prend avec bonheur le relai de celle de Gérard de Palézieux, qui vient de s’achever au Musée Jenisch. Les amoureux de la Lagune comme les amateurs d’aquarelles y trouveront sans doute aussi leur compte.

Rédigé par Raphaël Aubert, Françoise Jaunin, Nadja Maillard, Claire Koenig et Christophe Flubacher, un livre-catalogue richement illustré accompagne la manifestation. A voir jusqu’au 6 décembre, du jeudi au dimanche de 13h30 à 18h00 à l’Atelier De Grandi, ch. D’Entre-deux Villes 7, 1802 Corseaux/Vevey.

Tags: , , , ,

Mentions légales - Autorenrechte

Les droits d'utilisation des textes sur www.lameduse.ch restent propriété des auteurs, à moins qu'il n'en soit fait mention autrement. Les textes ne peuvent pas être copiés ou utilisés à des fins commerciales sans l'assentiment des auteurs.

Die Autorenrechte an den Texten auf www.lameduse.ch liegen bei den Autoren, falls dies nicht anders vermerkt ist. Die Texte dûrfen ohne die ausdrûckliche Zustimmung der Autoren nicht kopiert oder fûr kommerzielle Zwecke gebraucht werden.