Mélangés, broyés, l’enfer au quotidien des pendulaires masqués de la campagne fribourgeoise


PAR PIERRE ROTTET

Respecter les distances prescrites et les règles d’hygiène… Personne, en Suisse, et dans tous les ailleurs, même jusqu’aux nouveaux-nés qui s’enhardissent dans ce monde, ne peut désormais ignorer ces recommandations, ces injonctions.

Ces suppliques… sous forme de consignes, dirais-je, le plus souvent largement suivies. Répétées et écrites à satiété d’ailleurs, au point que nos oreilles peuvent difficilement les ignorer, et surtout pas nos yeux.

Respecter ! Voilà bien un leitmotiv qui ne demande qu’à être suivi en ces temps de crise sanitaire, où les politiques et les administrations pensent pour vous. Et donnent parfois voire souvent l’impression de perdre les pédales. Jusqu’à nous priver un peu de tout, pêle-mêle et souvent sans trop de discernement : cafés, restos, cinémas. On ferme ! Et on la boucle si possible !

Le ministre fribourgeois Maurice Ropraz l’a du reste martelé récemment… Il convient de « frapper fort dans les activités de loisirs». Vecteurs, à l’en croire, de ce virus qui, à matin fait, jusqu’à plus nuit, cause tant de dégâts et de drames dans le monde. Et donc chez nous.

Respecter ! Un leitmotiv que les transports publics fribourgeois (TPF) ont d’ailleurs théoriquement adopté. Au point de l’afficher partout. Jusque sur leur site, où l’on peut entre autres lire: « Rester le plus loin possible des autres personnes dans les transports publics… » Le plus loin possible ! Sauf que la réalité se charge de rendre dérisoire cet illusoire conseil…

Anne (*), 16 ans, est l’une des passagères de la ligne 545, Courtepin – Fribourg-Gare, pour un trajet d’une durée de 30 minutes (photo P.). Bouchons et travaux urbains non-compris. 19 arrêts en tout. « Après le 2ème arrêt, à Cournillens-village, il n’y a déjà presque plus de place assises », confie-t-elle à infoméduse.

Elle aimerait bien, en ces mois interminables de pandémie, demeurer le plus loin possible des autres personnes. Cette promiscuité déjà insupportable dans les bonnes années sans virus, l’est tellement plus encore en ces temps d’alarmes sanitaires pour se rendre à Fribourg. A un moment où les cafés et les cinés tellement moins fréquentés se ferment pourtant.

Elle aimerait bien voyager tranquille, cool. Même masquée, par obligation, pour éviter, dit-on les contagions. Et ses proximités qui tant les provoquent. Et même assise. Pourquoi pas. Elle aimerait bien. Sauf que pour quiconque pose le pied dans le bus après le second arrêt, les places assises sont à oublier.

Elle connaît bien la ligne, Anne, pour l’emprunter au quotidien… « Après le 6ème arrêt, soit à hauteur de « Courtion École », malheur à qui aurait oublié un oeuf dans sa poche: nous sommes serrés, serrés. Serrés et collés les uns aux autres. Plaqués, empilés, suffoqués ! »

Et c’est ainsi que chaque matin subissent ce chaotique désordre – sans parler des retours en fin de journée -, ceux qui s’entassent dans le bus 545. Bondé et même plus. Jeunes, étudiants, apprentis ou autres pendulaires, personnes à risques, tous le vivent, cet « enfer » au quotidien. Cette dangereuse promiscuité. Tous sont masqués, certes. Mais tellement mélangés, broyés et unis et désorientés dans leurs proximités. Au point, parfois, assure Anne, de rendre impossible de sortir du bus dans les ultimes arrêts. Et même de devoir attendre l’ultime, Fribourg-Tivoli, pour descendre. « Tellement il y a des gens ».

Assurément, il faut ne jamais s’être engouffré dans un de ces bus interurbains qui sillonnent les campagnes fribourgeoises pour ignorer cette réalité. Elle est pourtant celle de centaines et de centaines de personnes à journées faites, du matin au soir. Sans pour autant qu’elle interpelle, en cette année de pandémie ni les médias en manquent de curiosités et d’esprit critique, ni les autorités communales et gouvernementales. Pas davantage les responsables de la santé publique pourtant si alarmistes. Ni même du reste Monsieur Ropraz. Qui serait bien inspiré en frappant fort. Là aussi. Par exemple en se mouillant pour réclamer quelques bus en plus. Histoire d’être crédible, et surtout cohérent. 

*Prénom connu de la rédaction

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