Liberté d’expression dans les entreprises, au théâtre Neumarkt à Zurich est présentée mon histoire, celle d’une lanceuse d’alerte


PAR YASMINE MOTARJEMI

Chaque fois que je vois de l’hypocrisie, j’ai cette irrésistible envie de faire éclater la vérité. Telle est l’affaire des caricatures et la question de la liberté d’expression.

La situation est devenue si oppressante que même le débat sur cette question est accueilli par des critiques sévères et hostiles, exploitée politiquement. Au Canada, le premier ministre Justin Trudeau est critiqué pour avoir exprimé son opinion, tout comme les pays musulmans critiquent le président Emmanuel Macron pour sa position.

Le conflit ? Certains pensent qu’au nom de la liberté d’expression et de la laïcité, on devrait avoir le droit de publier des caricatures même si elles deviennent source de haine pouvant susciter de la violence ; d’autres estiment que la liberté d’expression ne devrait pas dépasser les limites du respect et perturber la paix d’autrui. Ceci dit, rien ne justifie les réactions violentes de certains pays musulmans ou, encore pire, la barbarie des individus qui, au nom de leur religion, s’en prennent aux auteurs de telles caricatures.

Dans mon système de valeurs, le respect compte beaucoup. C’est la condition sine qua non pour vivre en société, c’est pourquoi j’estime nécessaire de mettre des garde-fous. Cependant, même si j’essaye de me convaincre d’accepter l’opinion d’une totale liberté d’expression, je vois là une grande hypocrisie.

En effet, si la liberté d’expression ne doit pas avoir de limites, pourquoi les personnes qui ont exprimé des vérités touchant notre vie et notre sécurité sont-elles mises en prison ou exilées et les pays Européens ne leur ont pas accordé de refuge? Julian Assange, Edward Snowden, Chelsea Manning en sont quelques exemples. Si nous attachons tant d’importance à notre liberté d’expression, comment se fait-il que nous entretenions des relations économiques et politiques avec des pays qui torturent et exécutent des dissidents ? Comment se fait-il que nous persécutions des employés ou des citoyens qui nous avertissent des dangers ou de la corruption ? Comment pouvons-nous justifier le fait que certains employeurs licencient des employés tout simplement pour une différence d’opinion et nous nous taisons? C’est ainsi que Nestlé a justifié mon harcèlement et mon licenciement. Une différence d’opinion avec mon chef ! Peu de personnes ont condamné publiquement cet employeur qui harcèle son employé pour avoir exprimé son opinion. Cela d’autant plus qu’il s’agissait de l’opinion d’une professionnelle aux compétences reconnues et fondée objectivement sur une analyse des défaillances en matière de sécurité alimentaire.

Comment pouvons-nous accepter une liberté d’expression qui offense les membres de notre société tout en nous refusant le droit d’être informés sur des questions touchant à notre santé, notre sécurité et notre bien-être ?

La question des expressions offensantes n’est pas seulement limitée à religion. Il arrive souvent que le parti politique suisse, l’UDC , utilise des affiches blessantes pour représenter les étrangers et leurs droits en Suisse. De telles illustrations sèment xénophobie et division au sein de la population autochtone avec les étrangers. Les images et perceptions ainsi assénées ne peuvent qu’engendrer des tensions, des conflits, la discrimination menant inévitablement à la haine et à la violence. Ne pouvons-nous communiquer en société sans violence émotionnelle et psychique?

La débat sur la liberté d’expression est donc une question à plusieurs dimensions. Dans quelle mesure sommes-nous libres, où se trouvent les zones interdites et sous quelles formes et dans quelles conditions pouvons-nous nous exprimer ?

Afin de pouvoir débattre de cette question sous tous ses aspects, je vous invite à voir le spectacle actuellement présenté au théâtre de Neumarkt à Zurich, intitulé whistleblowerin / elektra. Le sujet est celui de la persécution d’une directrice qui ose remettre en question les pratiques dangereuses de son entreprise. C’est mon histoire. Demandez-vous donc comment il se fait qu’un petit théâtre ose s’exprimer là où la grande majorité des médias grand public se sont tus.

Pour la recension de cette pièce de théâtre, voir ici.

Le theatre est en allemand et sous-titré en anglais.

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