PAR PIERRE ROTTET
Trois jeunes péruviens tués, entre 70 et 100 blessés selon les sources, des arrestations musclées et massives. La violence policière contre les dizaines et dizaines de milliers de manifestants pacifistes s’est déchaînée samedi à Lima pour protéger les putschistes, auteurs de la destitution de Martin Vizcarra. Dont Manuel Merino, devenu lundi dernier président après le coup d’Etat du Congrès dont il est l’un principaux instigateurs.
Pour le cinquième jour consécutif, et surtout la seconde marche au niveau national, des centaines de milliers de Péruviens se sont mobilisés samedi 14 novembre 2020 à travers le pays pour crier leur colère. Leur indignation. La plus grande manifestation, qui s’est terminée en bain de sang à Lima, a d’ailleurs mobilisé des dizaines et dizaines de milliers de personnes. Parmi lesquels une grande majorité de jeunes, mais aussi des citoyens accourus en famille.
En début d’année, le congrès péruvien, sous la houlette des futurs responsables du coup d’Etat, a voté comme un seul homme une loi scélérate qui apporte l’immunité totale aux forces de l’ordre dans l’exercice de leurs fonctions. Et bien au-delà. Samedi, les rambos surarmés, aux ordres des chefs de la police et donc de Merino, se sont rappelés aux bons souvenirs des congressistes. En s’en donnant à haine déployée contre le peuple, en faisant usage d’un arsenal répressif qui rappelle les heures sombres de l’Amérique latine. Et donc aussi du Pérou ! Y compris en utilisant des d’hélicoptères pour lâcher et déverser leurs gaz lacrymogène et autres projectiles sur la foule.
Des dizaines de policiers en civils marchaient en outre avec les manifestants afin de contribuer « en vivo y en directo » à la répression. Et opérer les arrestations.
Sur les pancartes brandies par la jeunesse du Pérou, s’inscrivait la mesure de leurs déterminations contre le président usurpateur Merino : «Merino, tu n’es pas mon président», «Merino imposteur», «le Pérou s’est réveillé». Samedi, peu avant que soient envahies les rues du pays, Merino et son premier ministre Antero Flores-Arao avaient mis sur le compte du désœuvrement la mobilisation des jeunes.
Reste que le vent du boulet, dans la foulée de ces violences policières, a provoqué une onde de choc supplémentaire dans le pays au point que sept des 18 ministres de Merino ont annoncé leur démission. Tout comme de nombreux gouverneurs de régions. Les « rats » quittent le navire. Réagissant à la répression, le nouveau président du Congrès, Luis Valdez, a demandé sur les ondes de la TV N la démission de Merino: « Je demande à M. Merino d’envisager sa démission immédiate ».
Un avis que ne peut plus faire autrement de partager le maire de Lima, Jorge Muñoz, qui appartient pourtant au même parti Action Populaire que Merino.
Depuis le début des protestations quelque 30 journalistes qui couvrent les événements ont été blessés par la police nationale, selon l’Association péruvienne des journalistes. Un imprimeur qui avait fait imprimer gratuitement des milliers d’affiches destinées aux manifestants a quant à lui été arrêté par la police. A noter que sur les 130 congressistes de l’actuel congrès, 68 sont actuellement poursuivis dans des procédures judiciaires ouvertes contre eux. Le seul Edgar Alarcon, l’une des principales têtes des putschistes a, à lui seul, 36 procès ouverts à son encontre.
Human Rights Watch, la commission péruvienne de la « defenseria del pueblo » et d’autres organisations s’étaient inquiétés de la répression démesurée de la police bien avant le déchaînement de violence des forces de l’ordre, samedi 14 novembre 2020.