Les enfants péruviens paient un lourd tribut à la pandémie


PAR PIERRE ROTTET

Enfants sacrifiés, jeunesse sacrifiée, adolescence sacrifiée! Autant, voire plus que dans n’importe quel pays au monde peut-être, les enfants péruviens payent un lourd tribut à la pandémie covid 19. Le prix fort même, privés qu’ils sont de cet outil qu’est l’école. Et donc des liens sociaux, cet indispensable outils dans l’apprentissage de la société. Qui conduit vers une partie du savoir! Une partie…

Depuis fin novembre 2019, soit depuis la fin de l’année scolaire et le début des vacances d’été dans l’hémisphère sud, plus aucun gosse ni étudiant, du jardin d’enfants à l’université, n’a mis les pieds dans une salle de classe au Pérou. Dans un cours! Ce qui n’a pas empêché le Pérou de porter lui aussi le bonnet d’âne en matière de lutte contre la pandémie.

D’où ce cri d’indignation de cette mère de famille à Lima. Elle me confiait mi-janvier, je cite: «L’éducation continue à être une chose non essentielle au Pérou. Les clubs, les restaurants, les centres religieux, les fitness et j’en passe sont ouverts mais pas les écoles. On s’en fout des enfants, de leur développement et de leur état psychologique. C’est scandaleux!»

Scandaleux. Le terme est lâché. Parce que l’éducation au Pérou est à 2, 3 ou 4 vitesses et plus. Faite d’écoles privées ou publiques, défaillantes à bien des égards pour ces dernières. Excessivement chères pour les premières mais dotées de cours à distance très performants pour ceux disposant d’ordinateurs. 

Le problème, assure mon interlocutrice, est que ces élèves d’écoles privées sont une petite minorité… «Des millions d’enfants sont laissés à eux-mêmes depuis décembre 2019, au moment où ont commencé des grandes vacances. Aujourd’hui sans fin… Mais ils réfléchissent comment, les hommes politiques? Ils sont censés faire quoi les enfants? Pas d’éducation, pas de liens sociaux, pas de sports de groupe… Rien!» 

Un désastre…

Un point de vue que corrobore le journaliste Reynaldo Muñoz à Lima. «Sous le gouvernement Vizcarra – réd.: qui a conduit la stratégie péruvienne en matière de lutte contre le covid 19 jusqu’à sa destitution le 9 novembre 2020 – le président avait annoncé l’achat de tablettes pour les répartir à des enfants, y compris dans des zones lointaines, la Sierra ou l’Amazonie. Cet achat n’a jamais eu lieu. Le fournisseur n’a pas respecté son engagement. Au pays de la corruption, le gouvernement a ensuite fait marche arrière. Plus tard, on nous a assuré que ce même gouvernement avait déniché un autre fournisseur. Reste que les tablettes ne sont jamais arrivées à leurs destinataires. Personne n’est revenu sur le sujet». Personne!

Il y a quelques jours, le ministre de l’Education, un brin heureux d’être ministre, estimait que les cours dans les écoles ne reprendraient pas avant fin avril ou début mai, dans le meilleur des cas. Une annonce faite sans véritablement causer l’indignation de la presse ni du public, acquis à la culture de la peur, face au covid 19, face à des décisions douteuses qui laissent une génération de laissés-pour-compte, livrée à elle-même, alors que des centaines d’enseignants ont été mis à l’écart.

La faute à des décideurs politiques dépassés par les événements, affolés comme dans tant d’autres gouvernements. La faute à des politiciens sans doute sous l’influence de spécialistes qui ont fait de leurs certitudes une arme face aux dégâts collatéraux dramatiques nommés décrochages scolaires. Une bombe à retardement… assurément mal évaluée dans un pays qui s’apprête à se rendre aux urnes, en avril prochain. Sans grands espoirs de changement.

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