Delphine Horvilleur, la base du dialogue passe par l’acceptation du malentendu


PAR EDGAR BLOCH

«Le dialogue et sa place dans les Textes». Delphine Horvilleur (photo DR), la très médiatique rabbine française, d’obédience libérale, auteure prolixe de nombreux essais et autres ouvrages de réflexion, a abordé ce thème lundi 18 février 2021, invitée par Coexistences, l’association de soutien au dialogue israélo-palestinien. Face à un parterre d’une cinquantaine de personnes, réunies en téléconférence, l’hôte de la manifestation a d’emblée relevé que «le dialogue c’est l’écoute de l’autre». Porter cette attention nous relie toutefois intimement au malentendu originel entre les traditions et signifie «ne pas être d’accord». Beaucoup pensent que le dialogue judéo-musulman est contaminé. Toutefois à la lumière des faits, cela n’est pas le cas, à la condition d’accepter d’emblée l’idée que l’on n’entend pas la même chose de part et d’autre; ce qui nous rappelle le célèbre «Lost in translation».

Par exemple, les notions de la «foi» propre au christianisme, de «commandement» fondamental dans le judaïsme ou le principe de «soumission», en court dans l’Islam, sont différents pour les croyants des autres traditions. Ce malentendu de départ se retrouve clairement dans la Genèse, le premier livre de la Bible qui se résumerait sommairement par: «Je ne peux pas blairer mon frère!», en relation d’abord avec le meurtre d’Abel par Cain ou le conflit sur le droit d’aînesse entre Esaü et Jacob . Ces récits sont révélateurs d’un dialogue impossible qui débouche sur la violence. Le mutisme observé dans ces exemples, ou la parole empêchée mènent à la violence et au surgissement du conflit. Et pour rester dans ces fratries, même la réconciliation surgissant plus loin entre Joseph et ses frères, admet l’idée que les failles précédentes ne disparaissent jamais complètement.

«La sacralité du désaccord»

Plus loin toujours dans la Genèse, le dialogue entamé entre Abraham et Dieu, dans la vaine tentative du patriarche de trouver assez de justes pour prévenir la ville de Sodome de la destruction, introduit le face à face et la négociation. La question du Messie est avancée en premier dans la Genèse: Messiah en hébreu, dont la racine «siah», contenue également dans le premier livre biblique signifie «qui permet la conversation avec l’autre. Mais tout cela ne veut pas dire tomber d’accord», ajoute Delphine Horvilleur. D’ailleurs dans le Talmud, les rabbins dialoguent, mais divergent: «On assiste ici à une sacralité du désaccord».

Aujourd’hui, la crise sanitaire et économique actuelle favorise l’idée que des gens intéressés manipulent et tirent les ficelles. Les réseaux sociaux n’apaisent pas de telles pensées puisqu’ils relient des gens qui s’enferment à penser la même chose contre les autres. Il est impératif de savoir «à quel moment quelques mensonges nous empêchent de dépasser nos à priori.» A cette fin, conclut la rabbine, on ferait mieux d’enseigner dans les écoles comment mettre en avant les talents d’autrui plutôt que les siens.

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