Sur le stade de Matran, l’arbitre de la rencontre contemplait des siècles de vie


PAR PIERRE ROTTET

Mon infidélité à mes lettres à un ami, de Lima ou de Fribourg, n’a que trop duré. Là, aujourd’hui, je délaisse les fanges politiques de l’actualité en Amérique latine, au Pérou aussi, histoire de ranimer ce qu’à 20 ans tu as pu vivre, toi également. Il y a donc bien longtemps. Voire très longtemps. Peu importe le temps et les ans, pour revivre ce bonheur de courir après un ballon de foot, sur un terrain herbeux à faire pâlir de vertes envies le stade même de Wembley.

Et là, le temps d’un billet, le temps de me rapprocher de mes premières amours, avec mes lettres à un ami, pour ne pas trop les faire languir, là, vois-tu, je ressens encore aujourd’hui comme des fourmis dans les jambes. Des picotements dans mes doigts, qui glissent sur le clavier de mon ordi. Mais surtout me viennent comme des émotions du côté du moteur des sentiments, ce machin qui cogne un peu plus vite lorsque des coups de coeur s’en viennent le titiller. Et si ce n’est moi qui prend la « plume » pour te confier la raison de cette entrée en matière, crois-moi, personne, je veux dire ni aucun journaliste ne le fera. Et pourtant ! 

Bon d’accord, il n’y avait pas foule autour du terrain de foot du FC Matran ce vendredi-là, en ce début de soirée. Avec un climat à mettre un footballeur dehors. Y compris et surtout jusqu’à la troisième mi-temps.

Autour du stade, pour tout te dire, je n’ai compté aucun spectateur. Pas la faute au covid 19, pour une fois. Pas un chat néanmoins, pour vivre cet événement sportif. Et disons-le, sans nullement galvauder les termes, les mots, cette rencontre internationale, entre l’amicale des vétérans de Matran et l’équipe des Érythréens de la région de Fribourg et de Berne.

Autour du coach François, avec les 18 joueurs Matranais, la moyenne d’âge allait allègrement au-delà des 50 ans, et même très au-delà. Une moyenne aux allures de jeunes, enfin presque… compte tenu de quelques renforts, des cadets, des jeunes, quoi, de 10 ans de moins. Le tout devait bien, une fois cumulé, peser quelques 900 ans d’existence. Voire un millénaire d’expérience prête à compenser des souffles fluctuants, des souplesses plein le regard à défaut d’être chevillées au corps.

Pas de quoi rendre dérisoires le rythme des cavalcades de courses parfois à pas compté des jours, face à l’adversaire du coach Daniel, composé de joueurs Érythréens porteurs de leurs culture millénaire, dont les âges réunis avaient bien un siècle ou deux de moins. Peut-être même trois ou quatre, tout compte fait. Impossible d’être à un siècle près, lorsque la somme des âges des footeux de cette rencontre internationale avoisine le siècle et demi.

C’est du reste ce que s’est sans doute dit l’arbitre de la rencontre, en contemplant des siècles de vie. Qui couraient sur ce terrain.

Photo  ©2021 Alberto Sanchez

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