PAR CHRISTIAN CAMPICHE
N’en déplaise aux thuriféraires des « vérités » officielles, les attentats du 11 septembre 2001 gardent leur zone d’ombre. Les mythes ont ceci de perturbant qu’ils sont créés pour durer, donc difficiles à déboulonner. Tourné en 2011, le documentaire «Epouvantails, autruches et perroquets» explore avec pertinence et ténacité les contradictions qui entourent l’enquête et surtout le rôle des médias. En dépit de ces qualités, il a fini par tomber dans l’oubli. C’est donc tout le mérite d’une petite salle de cinéma à Genève de l’avoir sorti des catacombes à l’occasion des vingt ans de la catastrophe.
Projeté au Cinélux le 9 septembre dernier, «Epouvantails, autruches et perroquets» n’ambitionne pas de définir les culpabilités. Le réalisateur belge Olivier Taymans se contente de déceler de multiples incohérences dans le déroulement des événements. Surtout, il met à nu de graves manquements dans l’approche de l’information. En d’autres termes, les médias n’ont pas fait leur boulot, les journalistes un tant soit peu critiques ont été bâillonnés, sanctionnés.
Les médias, ceux de Genève du moins, auraient eu la possibilité de se racheter en visionnant le film et en relayant le contenu de manière honnête. Relevons que la projection a été suivie d’un débat auquel a participé le soussigné en compagnie de l’ancien président de l’association « 11 septembre en question », Richard Golay. Présent, un journaliste du « Temps » a bien rédigé un article, finalement publié dans un cahier du quotidien consacré au triste anniversaire, dans lequel il dénigre la thèse « complotiste », cautionnant ainsi la vision d’un monde dont les libertés chavirent sous les coups de boutoir de la lutte contre le terrorisme. Le premier geste de Bush après l’attentat n’a-t-il pas été de décréter le « Patriot Act », loi « d’exception » jamais abrogée à ce jour? Le problème est que ce point de vue conforme au dogme de l’idéologie dominante élude le fond du problème et, pour revenir à l’événement genevois précité, obère le message du liant de la soirée, un film centré sur le rôle des médias.
On peut poser la question du pourquoi de cette omission, tant il est évident que les professionnels de l’information ont failli à leur tâche citoyenne. La preuve est apportée dans le film «Epouvantails, autruches et perroquets» mais pas seulement. Elle est relayée par des journalistes américains et non des moindres. Paul Krugman dans le « New York Times » du 9 septembre dernier n’hésite pas à rappeler la position ambiguë de ses consoeurs et confrères après les attentats du 11 septembre, journalistes gobant la version officielle des va-t-en-guerre de l’administration Bush. Le chroniqueur n’omet pas de préciser que le quotidien new-yorkais a même fini par publier son mea culpa.
« Il est des repentirs qui valent mieux que l’innocence ». Juriste éclairé de la fin du 18e siècle, Joseph Michel Antoine Servan n’avait-il pas raison?