Nos soeurs afghanes


PAR ETIENNE BARILIER

C’était à la fin des années 1920, il y a donc près de cent ans. Amanullah Khan, roi d’Afghanistan, décide de réformer le droit des femmes dans son pays, de supprimer le port du voile et d’interdire la polygamie. Il se heurte à une résistance dont le chef de file est un certain Habibullah Ghazi, qui bientôt prend le pouvoir et rejette les femmes dans la servitude, Son émirat ne dure que neuf mois, mais c’est un grand inspirateur des talibans qui, cent ans plus tard, sont ses dignes successeurs. L’obscurantisme, apparemment éradiqué, repousse comme le chiendent. Un siècle n’est pour lui qu’un jour.

 Les talibans sont bien sûr ennemis du savoir, de la démocratie ou de la musique, mais ils sont avant tout, plus que tout, ennemis de la femme. Ils sont l’incarnation fruste, brutale, colérique, haineuse et satisfaite du pouvoir mâle. On peut certes invoquer, pour comprendre ce phénomène, l’islam et les moeurs patriarcales. Mais devant nulle société l’on n’éprouve à ce point l’impression que la religion et les mœurs, loin d’être à l’origine de la phallocratie, en sont au contraire la conséquence et l’émanation. Si l’islam et le patriarcat n’existaient pas, les talibans les auraient inventés comme paravents de cette jouissance d’abaisser, de confiner, de violer et d’interdire de vie la moitié féminine de la société. Au fait, ces barbares, ou leurs ancêtres, n’ont-ils pas en effet inventé le Dieu reître qui les justifie? 

Bien sûr, le drame que vit, ou plutôt revit l’Afghanistan ne se résume pas à une mainmise des hommes sur les femmes. Il comporte une dimension politique et le jeu des intérêts y est complexe (tribus, puissances régionales, grandes puissances). Cependant, les pouvoirs politiques ont la plupart du temps ne serait-ce qu’un zeste de légitimité; le droit, même faiblement, y tempère la force. Le pouvoir mâle est le seul qui, avec l’esclavagisme, soit radicalement, absolument illégitime et qui n’en plastronne pas moins, ou d’autant plus, étalant impudemment sa cruauté théologienne et sa bêtise destructrice. Son principe même, son nom même est la force. Toute l’histoire humaine n’est-elle pas faite du combat entre cette force et ce qui la tempère et parfois l’arrête: la reconnaissance d’une humanité commune, l’éducation, la culture de l’esprit et du cœur? Pour nous, loin du théâtre du crime, que pouvons-nous faire dans un tel combat? Du moins avons-nous la certitude que les femmes afghanes sont nos soeurs, et que leur souffrance nous oblige. 

Ecrivain et essayiste, Etienne Barilier a reçu le prix des écrivains vaudois pour l’ensemble de son oeuvre en 2019.

خواهران افغان ما

اواخر سالهای 1920 بود، نزدیک یک قرن پیش. امان‌الله خان، پادشاه افغانستان تصمیم می‌گیرد که در زمینه حقوق زنان دست به اصلاحاتی بزند، پوشش حجاب را حذف کند و چند‌همسری را ممنوع کند. او با مقاومت مواجه می‌شود، سردسته نیروهای مخالف کسی به نام حبیب الله غازی است که کمی بعد قدرت را به دست می‌گیرد و دوباره زنان را به وادی بردگی می‌کشاند. امارت او فقط 9 ماه دوام می‌آورد اما او الهام بخش بزرگ طالبان است که صد سال بعد جانشینان واقعی او هستند. تاریک اندیشی که ظاهرا ریشه کن شده بود مثل قارچ می‌روید. یک قرن برای رشد آن مثل یک روز است. طالبان بدون تردید دشمن دانایی، دموکراسی و موسیقی اند اما قبل از همۀ اینها و بیش از اینها، این گروه دشمن زنان اند. آنها تجسم قدرت مردانه در شکل فرسوده، وحشیانه، تندخو، و نفرت انگیز آن اند. برای فهم این پدیده می‌توان به اسلام و آداب و رسوم پدرسالارانه متوسل شد اما در هیچ جامعه دیگری به این اندازه احساس نمی‌کنیم که دین و آداب و رسوم بیش از آنکه منشأ مردسالاری باشند بر عکس نتیجه و ثمره آن هستند. اگر اسلام و پدرسالاری وجود نداشت، طالبان آنها را ابداع می‌کردند تا نقابی باشد بر لذتی که آنها از تحقیر کردن، محدود کردن، تجاوز کردن به زنان و محروم کردن نیمی از جامعه از زندگی می‌برند. این وحشی‌ها یا اجداد آنها آیا در حقیقت خدای خشنی که توجیه کننده رفتار آنها باشد را نیافریده اند؟

بدون تردید، فاجعه ای که افغانستان امروز بار دیگر تجربه می‌کند به سلطه مردان بر زنان خلاصه نمی‌شود بلکه ابعاد سیاسی و استراتژیکی پیچیده ای (قبایل، قدرتهای منطقه‌ای، قدرتهای بزرگ) را شامل می‌شود. با وجود این، قدرتهای سیاسی بیشتر وقت‌ها حتی ذره ای مشروعیت ندارند. حقوق هرچند به صورت ضعیف باعث تعدیل نیروی سیاسی می شود. قدرت مردانه همراه با برده‌داری تنها نیرویی است که از ریشه و کاملا نامشروع است و بیرحمی الهیاتی و حماقت ویرانگرش را با بی شرمی می‌گستراند. بنای او و نام او بر زور است.

آیا تمام تاریخ بشریت در واقع از مبارزه بین این نیرو و آنچه که آن را معتدل و یا گاهی متوقف می‌کند ساخته نشده است؟ یعنی از به رسمیت شناختن یک ذات مشترک انسانی، آموزش و پرورش ذهن و قلب. حال ما که دور از صحنه این جنایت هستیم در مبارزۀ این چنینی چه می‌توانیم بکنیم؟ دست کم این اطمینان را داریم که زنان افغانستان خواهران ما هستند و رنج آنها ما را از نظر اخلاقی و اجتماعی ملزم می‌سازد.

Le mot de Sima Dakkus Rassoul

L’Afghanistan est à nouveau sur tous les médias et réseaux. Tristesse pour qui aime ce pays d’Asie centrale et s’intéresse à sa très riche diversité culturelle. Nous qui aimons ce pays et vivons loin avons envie de consoler la population soumise à plus de quarante ans de guerre. Et le texte de notre grand écrivain, Etienne Barilier, adresse aux femmes afghanes sa solidarité dans “L’Écho magazine“. Sa pensée nous fait du bien par sa conscience de la complexité de la situation afghane qui se fait miroir de la complexité du monde. C’est pourquoi, je suis heureuse que cette réflexion soit lue par les Afghanes et les Afghans. Remerciements également à Belgheis Jafari Alavi de l’avoir traduit en farsi. Et à Christian Campiche de le publier.

Réveille- toi, réveille-toi sur le chemin de la nuit
Laisse-toi t’éloigner même de ce qui t’est proche
N’écoute pas n’importe quels mensonge ni fable
Pourquoi dois-tu laver le sang dans le sang
Comme la coupe, renverse-toi et avale ta douleur.

Jallaludin Balkhi
Trad. SDR

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