Regain des manifestations contre le pass sanitaire en France


PAR YANN LE HOUELLEUR, Texte et photos, Paris

« J’ai fort envie d’emmerder ceux qui ne sont pas vaccinés », a osé déclarer le président Macron lors d’une rencontre avec les lecteurs d’un quotidien parisien. Voilà longtemps qu’un président de la République n’avait pas recouru à un langage aussi vulgaire. La riposte populaire a été immédiate. Le samedi 8 janvier, des cortèges se sont formés dans toutes les grandes villes de France, à commencer par Paris. Le ministère de l’Intérieur a estimé à 100.000 les manifestants, mais il est indéniable que ce chiffre est bien en deçà de la réalité. Dans la capitale, les protestataires étaient si nombreux qu’ils se voyaient obligés, souvent, de ralentir le pas quand ils devaient s’engager dans les rues plutôt étroites quadrillant le quartier latin.

Depuis plusieurs semestres,  un ou plusieurs cortèges réunissant des Français outrés par la sévérité et les paradoxes de l’exécutif a lieu chaque samedi. Mais jamais, depuis longtemps, semblable manifestation n’avait mobilisé autant de citoyens.

Pourquoi donc ? Les propos abrupts tenus par le président Macron quelques semaines plus tôt ont heurté une bonne partie des Français. Ceux-ci ont tenu à témoigner leur indignation. Et certaines pancartes brandies au sein de la foule reflétaient la vigueur d’une certaine indignation qui couve. Par exemple : « Quand un peuple ne défend plus ses libertés et ses droits, il devient bon pour l’esclavage.» Voilà une phrase empruntée à Jean-Jacques Rousseau… Autre pancarte qui a fait le bonheur des photographes : « Macaron, si tu piques nos libertés, t’iras te faire inoculer pour l’éternité ».

Faut-il pour autant en conclure que la France est au bord du soulèvement ? Aucunement. Et c’est l’un des grands enseignements de la crise actuelle : la stratégie sinueuse, opportuniste, teintée d’autoritarisme adoptée par l’exécutif a vraiment porté ses fruits dans l’opinion publique. La France est à présent scindée à l’aube d’une double élection (la présidentielle, les législatives).

D’un côté, ceux qui ont reçu leurs injections, troisième dose incluse : ils étaient bien obligés de se soumettre à cette loi pour diverses raisons. Mais une bonne partie d’entre eux se refusent a voir leurs compatriotes non désireux de suivre ce schéma vaccinal violemment stigmatisés et devenir des sous-citoyens ne pouvant pas même (en l’absence d’un pass vaccinal) entrer dans un hôpital pour recevoir des soins.

De l’autre côté : ceux qui ont cédé aux manœuvres machiavéliques du trio Emmanuel Macron, Olivier Véran (neurologue en charge du ministère de la Santé) et le Premier ministre Jean Castex perdant si souvent ses nerfs face à l’hémicycle de l’Assemblée nationale. Pour ces trois personnages intransigeants, tout Français se dérobant à l’incitation (et non point à l’obligation) à se faire piquer à un rythme accéléré est aussitôt soupçonné de promouvoir la flambée de la pandémie. Le voilà considéré comme un saboteur, voire un emmerdeur, et mis au ban de la société. Souvent décrié comme un virtuose du « en même temps » (s’arrogeant le privilège de dire le tout et son contraire), le président Macron a piégé ses administrés en ne rendant pas la vaccination obligatoire. Evidemment, tout réfractaire au bal des injections n’est pas un hors la loi mais il s’expose à être livré à la vindicte populaire « en qualité » d’inconscient mettant (en âme et conscience, cela va de soi) les autres en danger. Evidemment, les policiers  – curieusement non soumis à l’obligation vaccinatrice –  n’iront pas interpeller ces récalcitrants chez eux mais ces citoyens indignes seront privés de presque tout : sortir au restaurant, assister à une séance de cinéma, prendre le train, voire se rendre dans certains centres commerciaux. etc.

Cette mise en place de deux catégories de citoyens est tout à fait conforme à la « stratégie » de Macron dont l’ADN politique recèle un part considérable de machiavélisme : « monter les Français les uns contre les autres à la moindre occasion et soumettre la France à d’interminables leçons de morale ».

Et cette manière brutale de gouverner un pays très affaibli  autant psychologiquement que socialement et économiquement peut conduire aux pires débordements.

Dans le camp de la majorité présidentielle, mais aussi au sein d’une formation telle que les LR (dont Valérie Pécresse a été désignée candidate à la présidentielle), une petite musique monte, virant à la cacophonie : les non vaccinés ne devraient pas, logiquement, se voir pris en charge, via l’Assurance maladie, par les hôpitaux : à eux de régler la note à cause de leur supposé égoïsme. » Ils seraient cinq millions dans un tel cas. Selon un sondage, dévoilé tout récemment, 51 % des Français interrogés approuvent une aussi inquiétante idée.

Cet argument est tout trouvé pour un gouvernement faisant double jeu, qui n’a cessé de fermer des lits dans les services d’urgence des hôpitaux publics. Autrement dit, on pourrait étendre cette obligation de « facturation individuelle » à ceux qui ont des cirrhoses à cause d’une consommation élevée d’alcool, à ceux qui font des overdoses après avoir ingéré des substances prohibées, et même ceux qui ont des rapports sexuels non protégés, etc.

Le gouvernement Macron est taraudé par une crainte : l’insuffisance de lits dans les services de réanimation des hôpitaux français peut, à tout moment, en cas de recrudescence de la pandémie, amener les ARS, les Agences régionales de santé, à adopter des « plans blancs ». Autrement dit, annulation des opérations préalablement programmées pour accueillir les patients atteint de la Covid.

Quoi qu’il en soit, le gouvernement français fait partie de ceux qui ont le plus abusé de mesures liberticides dont maints Français se demandent si elles ne vont pas perdurer et se prêter à des offensives gouvernementales autres que celles contre la pandémie. La transformation du pass sanitaire en un pass vaccinal inquiète beaucoup de Français « conscients et avisés ». Parmi les participants à l’impressionnant cortège qui a submergé plusieurs avenues et rues parisiennes samedi, une dame retraitée, fort élégamment vêtue, faisait une réflexion émise par de nombreux participants : « Notre gouvernement a saisi le prétexte de la Covid pour nous faire entrer, moyennant l’acquisition de matériel et de prétendu progrès technologiques, dans un régime de contrôle à la chinoise. »

Et puis, il faut s’étonner que malgré les insultes dont il a éclaboussé son peuple, avec un mépris sans précédent, Emmanuel Macron bénéficie d’une avance plutôt déconcertante dans les sondages concernant le 1er tour de la présidentielle, d’ici trois mois. Certains instituts d’enquête le créditent de 26 % des intentions de vote. La plupart de ses opposants, tous horizons idéologiques confondus, l’accusent de vouloir s’ériger en sauveur du peuple face à une épidémie qui affole une bonne partie des Français.

Pour l’instant, de nombreux sujets de préoccupation sont mis sous le boisseau par le président (très probablement) candidat à sa succession. Des thèmes majeurs passent au second plan ou tombent carrément dans les oubliettes : la cherté du logement, le retour de l’inflation, la persistance d’un chômage de masse, les basses rémunérations dont souffrent maints salariés (à cause notamment d’une fiscalité parmi les plus lourdes au monde), la détérioration des services public, la nécessité de revoir de fond en comble la politique énergétique, la chute vertigineuse de la qualité de l’enseignement. Et, même, ce qui avait valu à nombre de villes importantes de tomber dans le giron de parti Ecologie-les-Verts à l’aube de 2018 : la peur des effets du réchauffement climatique.

L’auteur, artiste de rue, élabore aussi un journal numérique intitulé « Franc-Parler ». Ce média est destiné aux habitants de sa ville, Gennevilliers, mais aussi à un public disséminé à travers le monde. (Voir sa page « facebook », yann le houelleur). Vivant dans une situation précaire, il a décidé malgré tout de ne pas baisser les bras dans un pays qu’il estime en pleine « déliquescence ».

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5 commmentaires à “Regain des manifestations contre le pass sanitaire en France”

  1. Zutter Philippe 10 janvier 2022 at 18:31 #

    Le vocabulaire utilisé par Emmanuel Macron est peut-être discutable,mais les arguments du président de la Républque française sont convaincants. Il s’agit de combattre une pandémie grave. Et pour le moment on a rien trouvé de mieux que les vaccins à disposition. Les opposants à la politique du chef de l’Etat devraient le comprendre
    Philippe Zutter

  2. Christian Campiche 10 janvier 2022 at 19:13 #

    Philippe Zutter: le problème est que les vaccinés, qui sont la très grande majorité à Paris, sont plus contagieux que les autres désormais car ils perdent toute notion de prudence. Là-bas comme en Suisse, d’ailleurs, de plus en plus de personnes doublement ou trois fois vaccinées attrapent allègrement le covid. Cela relativise les mesures liberticides, dans ces conditions. Comme le dit une manifestante dans l’excellent reportage de Yann Le Houelleur, “on entre dans un régime à la chinoise”…

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      Christian Lecerf 11 janvier 2022 at 00:39 #

      Oui, mais les vaccinés qui sont infectés n’encombrent pas les hôpitaux… ce qui n’est pas le cas des non-vaccinés.

    • Dominique Postel 13 janvier 2022 at 12:28 #

      Merci de dire tout haut ce que je pense ! Nous sommes manipulés comme le confirment Patric Jaulent, Jacky Cassou, Christian Perronne, Xavier Baron, le Pr Raoul et tant d autres. Courage, nous ne voulons pas … devenir des chinois.

  3. Christian Campiche 11 janvier 2022 at 10:42 #

    Dans le quotidien vaudois “24 Heures” de ce jour: … “Les contaminations explosent mais dans le même temps on assiste à une baisse des lits occupés aux soins intensifs. (…) Le nombre de morts baisse”… On touche du bois! On peut surtout se demander pourquoi l’Etat n’a rien fait (surtout ces deux dernières années) pour développer l’infrastructure hospitalière, au lieu de la réduire pour répondre aux sirènes des privatisations.

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