Pérou, la tentative ratée d’éjecter le président Castillo témoigne du mode de fonctionnement d’un congrès qui s’éloigne du peuple


PAR PIERRE ROTTET

La tentative d’éjecter Pedro Castillo de la présidence du Pérou a échoué. Les fossoyeurs de la démocratie répartis entre la droite et l’extrême-droite, avec au milieu l’ex-candidate Keiko Fujimori, n’ont toujours pas digéré la déroute subie en juin 2021. Reste que l’aura du président Castillo s’effrite de mois en mois toujours un peu plus. Ses adversaires tirent à boulet rouge sur lui. L’accusant même de corruption. Sans doute parce que mieux que quiconque, ils en connaissent un rayon.

La motion présentée lundi par l’opposition pour retirer Castillo de sa charge de président a échoué devant le Congrès. 54 congressistes s’y sont opposés, contre 55 et 19 abstentions. Loin des 87 voix nécessaires pour obtenir la vacance de la présidence.

Le législatif, désavoué par 80% des Péruviens, entendait questionner le président « pour ses erreurs » et le dénoncer pour corruption », au même titre que les neufs présidents qui se sont succédés à la tête du pays depuis 1990.

La politique péruvienne est parvenue lundi à éviter que le chaos ambiant ne plonge un peu plus le pays dans l’abîme. Un répit sans doute, vu que l’opposition la plus acharnée ne désarmera pas, jusqu’à obtenir que se renouvelle un nouveau vote de défiance, sous peu, histoire de mettre définitivement en échec Castillo. Surtout que la pratique est désormais entrée dans le mode de fonctionnement d’un congrès de jour en jour plus éloigné de la démocratie, du peuple et des affaires du pays.

Depuis 2016 en effet, sous les coups de boutoir du fujimorisme et de sa leader Keiko, toujours dans l’attente de son jugement, de l’aprisme et de l’extrême-droite, le Congrès a usé de ce stratagème contre chaque président à coup de motions, jouant sur le flou de la Constitution du pays au chapitre de la destitution du président. 

En décembre 2021 déjà, une motion contre Castillo pour les mêmes questionnements s’était heurtée à une forte résistance.

Après la tentative de lundi, la sixième en cinq ans contre trois présidents, ce qui en dit long sur la désastreuse guerre de pouvoir que se livrent exécutif et législatif, Pedro Castillo s’est remis au boulot. En gouvernant… tel un survivant. Par ses tergiversations, ses reculades, ses hésitations, des nominations déplorables dans son gouvernement – même ses partisans n’ont jamais compris -, Castillo voit aujourd’hui son étoile s’éroder largement. Par sa faute! Aidé en cela par une presse virulente, une opposition et des milieux économiques qui n’en demandaient pas tant. Ses principaux détracteurs vont même jusqu’à l’accuser, lui et son gouvernement, de corruption. Sans preuves! La vox populi faisant le reste dans ce délire collectif.

« Accuser le gouvernement sur le thème de la corruption et de violence lorsqu’on a de la paille dans les yeux perd significativement de son efficacité », écrit Fernando Tuesta, professeur principal de Science politique à l’Université catholique du Pérou (PUCP) et chroniqueur dans l’un des principaux quotidiens de Lima. Joint par téléphone à Lima par Infoméduse, il met en garde: «le danger d’une telle dynamite  est qu’elle aboutisse à une situation hors de contrôle…».

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