Par le petit bout de la lorgnette – Inédit, lettre de Georges van Parys à un ami… “comme de bien entendu” 


PAR SANTO CAPPON

En 1939, Georges van Parys envoie une lettre de Paris à Noisy-le-Grand, adressée à Michel Simon, 24 rue de Malnone. Pleine de chaleur et de reconnaissance, cette missive exprime d’une façon “très aérienne”, toute l’amitié que le scripteur peut ressentir envers un destinataire dont les trajectoires sont reliées aux siennes, nous le verrons plus loin. En voici le texte :

9 mars 1939  —  Vous êtes un amour de bon Dieu, et nous vous remercions tous deux très sincèrement d’avoir pensé à notre Agnès ! Quand je lui ai fait tinter le hochet sous le nez, elle m’a gratifié d’une immense risette ! Je pense qu’elle vous était destinée, et, je vous la transmets ! Vivement que vous soyez libre et qu’on puisse se revoir.                            

Encore mille mercis, et toute l’affection sincère de Blanche et        

Georges van Parys

Qui était donc Georges van Parys (1902-1971) ?  En tant que compositeur français de musiques de films, d’opérettes, de musique légère et de chansons, il aura marqué son époque comme nul autre  dans un registre aussi varié.

Ses pas ont croisé ceux de Michel Simon à la faveur de plusieurs films où l’homme à la gueule cassée figurait au générique. Van Parys en avait écrit la musique, voire celle de chansons intégrées à ces films, et dont les refrains sont devenus célèbres. 

De surcroît, cet auteur de rengaines ayant imprégné l’air du temps et marqué leur époque, était franchement admiratif du jeu de cet acteur hors norme. 

En témoigne l’appréciation élogieuse que van Parys consigne dans son journal, à propos du film “Jean de la Lune” de Jean Choux, réalisé en 1930 et sorti en 1931 (adaptation de la pièce de Marcel Achard). Avec notamment, au générique, Madeleine Renaud et Jean-Pierre Aumont. Simon y interprète le rôle de Clothaire (Clo-Clo) :  ” Michel Simon est, dans ce film, d’une bouffonnerie encore plus écrasante qu’au théâtre. Je ne pense pas qu’on puisse imaginer Clo-Clo, désormais, interprété par un autre “. Par ailleurs et à propos de ce film, on peut dire qu’il doit peu à Jean Choux, car Michel Simon ayant créé la pièce, tenait à la filmer lui-même. S’identifiant pleinement au personnage incarné, il prit par conséquent cette affaire en main. Mais devant le succès du film, Jean Choux exigea que son propre nom fût mis en évidence.

Au chapitre de la complicité qui liait Simon à van Parys, on retient surtout le film “Circonstances atténuantes”, réalisé par Jean Boyer. Sortie précisément en 1939, cette oeuvre  met en relief le jeu d’acteur d’un Simon à contre-emploi, dans le rôle de Gaëtan Le Sentencieux, ancien Procureur de la République. Lequel y interprète précisément une certaine chanson, en alternance avec la gouailleuse Arletty. Sous le litre “Comme de bien entendu“, ce refrain deviendra célèbre (paroles Jean Boyer et musique van Parys). Chanson emblématique. Résumant l’inimitable capacité d’un Simon, à susurrer d’une voix chevrotante certains airs qui resteront dans les mémoires, même sortis de leur contexte cinématographique. 

Reprise en 2002 par le duo Patrick Bruel et Renaud, cette bluette raconte, sur un air de valse-musette, une histoire d’amour qui n’évolue  pas très bien. Alors que la jeune femme travaille. Et que son amoureux préfère trainer quant à lui dans les bistrots…

Pour clore ici le chapitre Georges van Parys, je ne résiste pas à nommer certaines des chansons dont cet auteur prolifique a créé la musique :

La complainte des infidèles”, paroles de Carlo Rim. Nostalgique et doucement implacable, cette musique et l’enchaînement des couplets nous signifient qu’en amour la règle serait : ” coeur pour coeur dent pour dent, telle est la loi des amants”. Interprétée avec bonheur par le regretté Mouloudji. Par Mouloudji également, dont celui-ci écrivit les paroles : ” Un jour tu verras” extraite du film “Secrets d’alcôve” (1954) réalisé par Jean Delannoy.

Sans oublier les innombrables musiques de films dont van Parys  contribua largement à garantir le succès et pérenniser le souvenir. Citons quelques exemples, pêle-mêle (de façon chronologique) :

Moulin Rouge, Romance de Paris, Fanfan la Tulipe, Casque d’or, Les Belles de nuit, Les Diaboliques, Les Grandes Manoeuvres, Nana, French Cancan, Les Misérables, Tout l’Or du monde. Etc. etc.  

Et vers la fin de sa vie, une collaboration avec Michel Audiard… Pour terminer en beauté et au diapason avec quelques truculentes pirouettes :  “Faut pas prendre les enfants du bon Dieu pour des canards sauvages” (1968), et ” Elle boit pas, elle fume pas, elle drague pas, mais … elle cause”.

Globalement : une fluidité de l’esprit qu’on retrouve dans les quelques mots qu’il adressa en 1939 à Michel Simon …   

La lettre que Georges van Parys adresse à Michel Simon, 9 mars 1939. Archives Santo Cappon.

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