La pluie avait perlé les feuilles et suspendait un collier étincelant aux brins d’herbes; elle libérait la respiration de la terre enfin abreuvée et l’air allégé, nettoyé, dégageait une senteur de vie.
Après la brûlure de l’été, le couvercle étouffant s’ouvrait à un automne fleurissant qui épanouissait ses couleurs.
Telle une baguette magique la lumière allumait l’extrémité des branches, seules les feuilles caressées par les rayons, émettaient la palette de couleurs, révélée par l’alchimie des pigments.
A l’abri de la lumière, sous le feuillage, le vert de la chlorophylle résistait encore et contrastait avec cet éventail automnal.
Le miracle de la lumière blanche décomposée en sept couleurs, de longueur d’ondes croissantes, dévoilait le bleu du ciel et glissait vers l’indigo de l’ombre pour éclater vers l’orangé-rouge du charme et du hêtre. Les baies serrées en grappe de l’argousier flamboyaient les haies. Tandis que l’érable japonais rougissait tout seul dans son coin.
La promenade du regard balayait cette éponge végétale dotée de prismes irisés qui réfractaient et multipliaient les arcs en ciels. De cette arrière-saison naissait un univers irréel, éblouissant qui devançait l’avancée vers la nuit.
Soudain, un vent brusque s’était levé, soufflant fort sur toute la frondaison balancée et agitée dans l’air chargé de nuages gris. La rafale détachait les pétioles, les feuilles arrachées dansaient, tournaient puis s’écrasaient en prenant couleur de terre.
Le florilège s’éteignait doucement en un tapis brun; doublé du manteau d’hiver fondu en humus, la sauvegarde du renouveau à venir.
Déshabillés, les arbres dressaient maintenant leur squelette en charpentant le paysage et, tandis-que l’obscurité l’emportait, Victor Hugo rappelle que «chaque homme dans sa nuit s’en va vers sa lumière»
Dominique Olgiati