PAR SANTO CAPPON
Marc a 6 ans. Le fils d’un ami. Il a les occupations des enfants de son âge, et des préoccupations en rapport avec ses occupations. Aucune angoisse métaphysique. Quoi de plus normal. Il n’empêche. Elever le débat avec un enfant de cet âge-là n’est pas une mauvaise idée. Bien au contraire. Une voie royale vers la compréhension de ce qui pourrait s’apparenter à une forme vertigineuse d’innocence « fondatrice ». A première vue, d’évoquer la spontanéité accompagnant la prime jeunesse est un lieu commun, un poncif caractérisé.
Cependant, l’affirmation cash qui va suivre ne sera pas fumeuse pour un sou. Elle va respirer. Sans filtres. Avec altitude. Les intuitions de Marc vont nous éloigner des « correctifs » que nous autres adultes mettons en scène, afin de prendre en compte le poids des interférences et des conventions qui régissent nos existences respectives.
Démonstration : si je lui pose une de ces questions qui mettraient dans l’embarras le Pape, le Dalaï-Lama et tous les Sages du monde, Marc aura la réponse. Immédiate. Simple, catégorique, logique, intensément déroutante.
– Dis-moi, Marc, y a-t-il quelque chose après la mort ?
– Non, rien, plus rien.
– En es-tu bien sûr ? Les morts n’iraient-ils pas au ciel, par exemple ?
– Pas du tout. Quand on est mort c’est fini, tout est fini.
– Explique-moi ! Que se passe-t-il vraiment ?
– Quand on est mort, on te met dans un frigo.
– Et après ?
– Après, on va dans une boîte, et après, dans un grand trou, sous la terre.
– C’est tout ?
– C’est tout.
– En es-tu bien sûr ?
– Puisque j’te dis qu’c’est tout !
– Ah bon.
– Oui mais, sous la terre, les morts continuent à rêver !
Ma conclusion : faute de transcendance assumée, ici résonne une petite musique, celle des profondeurs. Nous révélant que face à un « absolu » si insondable, qui refuserait de se voir donner un nom, les choses qui nous dépassent méritent simplement « d’être », au sens le plus volatil du terme. Laissant le chant libre à l’oiseau …