Quand la manipulation de l’opinion biaise l’information dans les conflits armés (3)


PAR ANDREA DUFFOUR

Le rôle des médias dans les conflits armés. Quels médias pour la paix? Tels ont été les thèmes du colloque organisé les 15 et 16 octobre 2022 à Soleure sous l’égide des mouvements GIPRI, Alba Suiza, Schweizerische Friedensbewegung et de l’Association Suisse-Cuba. Une brochette de dix géopoliticiennes et géopoliticiens documentés ont esquissé pour la centaine de personnes présentes le décor médiatique et géopolitique actuel. Au centre du débat: la désinformation ciblée par la presse, la télévision, la radio, les médias numériques et les réseaux sociaux au service du capital financier et du complexe militaro-industriel. Lire aussi la chronique précédente sur le même sujet.

Jacques Baud,  colonel, ancien collaborateur des services de renseignements stratégiques suisses et de l’OTAN, a aussi été formé aux  USA et en GB. J’ai travaillé avec probablement tous les services secrets occidentaux  ! Expert en armes chimiques et nucléaires, formé au contre-terrorisme, avec des fonctions au service des Nations unies, chef de la doctrine des opérations de maintien de la paix à New York, engagé en Afrique et à l’OTAN dans la lutte contre la prolifération des armes légères, auteur de plusieurs ouvrages sur le renseignement, la guerre asymétrique et le terrorisme. Lui aussi nous démontre comment les médias corporatifs suisses font de la propagande de guerre à grande échelle. Les faits et les vies humaines y jouent un rôle secondaire, en prenant l’exemple des reportages actuels sur le conflit en Ukraine. 

Sa méthodologie de travail  :

Analyser la fiabilité de la source (media check)  en fonction de critères très précis, ensuite éliminer les  médias considérés comme extrêmes (ou extrémistes), puis analyser les faits,  la qualité de l’information elle-même. Les fact-checkers habituels comme la RTS,  Libération, Le Monde, etc. n’analysent pas les sources, seulement les faits. D’ailleurs les fact-checkers des médias mainstream sont souvent utilisés pour crédibiliser de fausses informations.

Pour expliquer la crise ukrainienne, par exemple,  je ne prends aucun média russe, mais uniquement des médias occidentaux, ukrainiens et de l’opposition russe. Mon but n’est pas de montrer qui est le bon et qui est le méchant, mais comment nous sommes mal informés par des médias qui modifient délibérément la réalité à des fins guerrières. J’arrive  ainsi  à démontrer que  pratiquement  tout dans la presse francophone en Europe est faux  en ce qui concerne l’Ukraine.

Baud distingue entre diffusion de fausse nouvelles non intentionnelles, sélectives (mentir par omission), intentionnelles (avec le but de tromper et nuire), et, la plus perverse, création d’un narratif avec des éléments vrais mélangés à des éléments inventés et une logique trompeuse avec intention malveillante.

Pour mes infos, tout vient  d’informations officielles, de services de renseignement ou de médias occidentaux reconnus (presque exclusivement américains). En me renseignant dans des sources anglophones main Stream anti-russes ou en citant le Pentagone, j’arrive à contrer la quasi totalité   de la propagande uniforme   de   la presse francophone. Même les médias USA évoquent comment nos médias sont biaisés vers l’Ukraine.

Baud cite un journaliste d’un grand quotidien français (qui souhaite rester anonyme)  :

«  La politique de notre   rédaction est de ne pas diffuser la vérité sur le conflit ukrainien, car ceci signifierait qu’on soutiendrait Poutine  »,  Oct. 2022.

Selon ses recherches, la TV Suisse prend ses sources exclusivement des médias ukrainiens.

Baud enchaine avec plusieurs exemples de désinformation sur la situation en Ukraine ou sur la mortalité dûe au Covid, sur la soi-disant incursion de 38 avions militaires chinois dans l’espace aérien du Taiwan  : On crée le complot. Il démontre en passant que les accusations de conspirationnisme sur sa propre personne ne répondent à aucune définition et sont basées sur des faits falsifiés. Ses analyses sur les événements de la guerre sont régulièrement déformées par les médias de masse et il est lui-même qualifié de théoricien de la conspiration, ce qui le fait plutôt rire. 

La désinformation propagée par nos médias nous conduit à prendre de mauvaises décisions. Depuis le mois de mars, nos médias (en grande partie la RTS) et des «  experts militaires  » qui ont purement et simplement affabulé n’ont eu de cesse de nous répéter que la Russie était à court de missiles, qu’elle n’était pas capable d’en produire, que ses réserves étaient épuisées, etc. etc. On n’a donc pas donné à l’Ukraine de système de défense anti-missiles. Résultat  : l’Ukraine n’est pas en mesure aujourd’hui de contrer la pluie de missiles qui détruit ses installations  !… C’est la même chose avec l’idée que la Russie veut s’emparer de territoires. Ce n’était clairement pas le cas en février  : les Russes voulaient – comme ils l’ont dit – détruire la menace qui pesait sur les populations du Donbass. Mais les Occidentaux ont poussé les Ukrainiens à s’accrocher au terrain au lieu de manœuvrer et détruire l’attaquant russe avec des actions mobiles. Résultat  : les Russes ont détruit les forces statiques et ont de ce fait grignoté du terrain qu’il ne veulent plus rendre. Les Ukrainiens ont donc perdu du terrain et une quantité incroyable de vies pour donner à la Russie une victoire qu’elle n’attentait pas au début  !

Jacques Baud. Photo DR

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Un commentaire à “Quand la manipulation de l’opinion biaise l’information dans les conflits armés (3)”

  1. Geneviève Delaunay 16 janvier 2023 at 10:36 #

    Elles sont hélas tristes et déprimantes ces infos du 16.01.2023 !

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