PAR MICHEL ZIMMERMANN
La commission de sécurité du Conseil national (CPS) a adopté une motion suivie d’une initiative parlementaire qui recommande d’autoriser la réexportation de matériel de guerre vers les pays de l’espace Schengen qui livrent des armes à l’Ukraine.
Adoptée à une majorité de 14 contre 11, cette motion de va-t-en-guerre qui, soit dit en passant, jette aux orties ce qu’il restait de la légendaire neutralité helvétique, n’est passée que grâce aux voix de quatre députées du PS qu’il convient de citer en leur qualité de «Femmes socialistes» : Franziska Roth (PS/SO), Priska Seiler Graf (PS/ZH), Min Li Marti (PS/BE) et Edith Graf-Litscher (PS/TG). À noter que Pierre-Alain Fridez (PS/JU), le seul homme de la délégation PS à la CPS, a voté contre. Honneur et respect à ce gardien désormais minoritaire des principes socialistes les plus élémentaires.
Pour ce qui est du vote exprimé par les quatre conseillères nationales PS à la commission de sécurité: quelle honte ! À moins qu’elles ne soient de grandes nostalgiques d’août 1914 quand les députés «socialistes» au Reichstag et ceux de l’Assemblée nationale française votaient les crédits de guerre en parfaite contradiction avec toutes leurs résolutions passées, faudrait-il leur rappeler que le parti qui leur a servi de marchepied pour accéder aux fonctions électives qui sont les leurs tire ses origines du mouvement ouvrier qui, conscient du coût des guerres impérialistes pour la classe sociale dont il représente les intérêts, s’est toujours, honnissant les marchands de canons, tenu sur des positions pacifistes ? Faudrait-il également leur rappeler que les mouvements féministes, ceux, du moins, d’avant la vague «néo-féministe», ont toujours, et pour cause, condamné la guerre, toutes les guerres ?
Dans le même temps où nos bellicistes conseillères nationales PS se prononçaient en faveur de l’exportation d’armements, notamment vers l’Allemagne, le Chancelier SPD (!!!) Olaf Scholz annonçait l’envoi de chars d’assaut à l’Ukraine. Faudrait-il, selon ces dames, se dire «ça tombe bien» puisque la Suisse produit justement des obus d’excellente qualité pour servir les canons qui surplombent ces gros et meurtriers panzers germaniques promis à un «avenir de gloire» dans les villes et les plaines d’Ukraine ? Plus cynique encore, pourrait-on imaginer que ces dames seraient insensibles, ou se réjouiraient, à l’idée que des éclats d’obus de fabrication suisse ne finissent dans les chairs sanguinolentes de quelque soldat russe conduit contre son gré, et pour le plus grand malheur de sa mère, dans une guerre programmée et entretenue par des assassins ?
Tout cela est affligeant et en dit long sur la dérive idéologique qui s’observe dans les rangs et à la tête du PS. Il faut dire qu’après 66 ans d’exercice (depuis 1957), le poids de sa politique de coalition avec les forces et les institutions de l’«ordre» bourgeois se fait lourdement sentir sur les épaules du PSS en termes d’adaptation, d’intégration et de servile obéissance aux intérêts de l’impérialisme : les unes votent l’exportation de munitions vers des pays en guerre pendant que d’autres se félicitent de l’entrée de la Suisse, en tant que membre non-permanent, au Conseil de sécurité de l’ONU (une «caverne de brigands» s’il en est !). La question qui se pose est celle-ci : y a-t-il encore des socialistes au PS et si oui, combien sont-ils ? Réponse : il en reste quelques-uns, mais peu nombreux, et globalement, la base sociale du PS s’est déplacée vers la bobo-sphère qui compose aussi et actuellement la base sociale opportuniste, petite-bourgeoise et urbaine des Verts. Exit la classe ouvrière et l’universalisme de ses luttes.
L’auteur est membre du PS.