PAR PIERRE ROTTET, Lima
Dina Boluarte sent le vent du boulet. Après les plaintes pour «crimes contre l’humanité » portées devant la Cour pénale internationale» et devant l’imminence de nouveaux drames, la présidente du Pérou a déclaré mercredi vouloir présenter devant le congrès un projet de loi pour avancer les élections à décembre 2023. Si plus de 9 Péruviens sur 10 le réclament, il n’est pas certain que cela suffira à calmer la rébellion populaire.
Mardi, le journaliste de la TV nationale, Carlos Cornejo, a été licencié sur le champ par la direction de la chaîne canal 7 pour s’être interdit de s’auto-censurer, comme le font nombre de ses collègues de la presse péruvienne. Son « crime » ? Avoir dénoncé l’assassinat par la police de Victor Santisteban, décédé le 28 janvier.
Pour l’heure, ce limogeage ne cause guère l’effroi de ses confrères. Hormis quelques journalistes courageusement critiques. L’Association nationale des journalistes péruviens a publié un timide communiqué, relevant un « renvoi sans raison ».
Victor Santisteban, un homme de 55 ans, première victime des affrontements à Lima, a été tué le 28 janvier par un tir de gaz lacrymogène. Les vidéos qui tournent en boucle sont accablantes et mettent à mal une fois de plus la crédibilité de la police, du ministre de l’intérieur et du pouvoir plus généralement.
Contrairement à ce qu’annoncent des chaînes de TV francophones, notamment, qui avancent imprudemment le chiffre de 45 victimes, le soulèvement populaire commencé en décembre dernier a fait 58 victimes, selon un décompte avancé mercredi par « La Republica ».
Accablant pour la police: les autopsies pratiquées sur les corps de trois personnes décédées lors d’affrontements avec la police nationale dans la ville amazonienne de Junin, le 16 décembre, révèlent que des balles ont été tirées par la police dans le dos. A ce jour, dénoncent les familles des victimes, les autorités refusent d’entreprendre une enquête.
Pour l’heure, à l’entame de ce mois de février, comme ce fut le cas durant tout le mois de janvier, ainsi qu’au mois de décembre, hormis une trêve entre les fêtes, des milliers de personnes ont pris possession de la rue. Principalement là où se déroulent quotidiennement les affrontements les plus violents, dans les régions d’Arequipa, Cusco, Puno et Lima. Avec des blocages de routes un peu partout.
Les manifestations ne faiblissent pas, contrairement à ce qu’espérait la présidente Dina Boluarte. Cette fois ce sont des citoyens de différents secteurs du nord et de l’est de Lima qui ont initié une longue marche dans les principales avenues historiques de la capitale, rejoignant ainsi les autres manifestants. Des rambos de service, le gros de la police, ont empêché les marcheurs d’arriver devant le Congrès. La question étant de savoir combien de temps tiendra ce mur, se demandent nombre d’observateurs.
Quant à l’ex-président Pedro Castillo, il est toujours embastillé, pour un présumé « coup d’Etat » le 7 décembre 2022. Qui a permis à Dina Boluarte, alors première vice-présidente, de prendre sa place. Calife à la place du calife… La semaine dernière, Castillo a fait parvenir une lettre à l’OEA, l’Organisation des Etats américains, pour dénoncer sa détention. Estimant qu’il est un « prisonnier politique ».