Les bobos, ces coucous qui n’ont aucun mal à faire leur nid dans les villes


En France, mais sans doute ailleurs, ils font partie intégrante du paysage urbain, avant tout (mais pas seulement) à Paris. Les bobos, contraction de bourgeois bohèmes, dont il est si facile de se moquer, font-ils tant de mal que ça à la société ? Des quartiers entiers, où ils se sont installés, ont changé d’aspect ainsi qu’en témoignent de nombreuses photos et dessins accompagnant une interview exclusive accordée au journal Franc-Parler par Gilles Seban. Pour ce psychiatre, les bobos ne sont pas vraiment animés d’un esprit de conquête. C’est bien plus subtil en réalité…  « Ils font société en privilégiant l’entre soi. Ils manifestent de l’indifférence à l’encontre de ceux qui ne sont pas comme eux. Les bobos ont le chic pour se fondre dans le paysage à la manière de caméléons. Leurs conversations tournent autour de poncifs, d’idées reçues et de préjugés sans aucune épaisseur rhétorique. » Et vous verrez que Gilles Seban a beaucoup d’autres « choses » à nous révéler au sujet d’un phénomène de société aussi important.

Gilles Seban. Photo YLH

PROPOS RECUEILLIS PAR YANN LE HOUELLEUR

Franc-Parler: Il semble que la société contemporaine soit constituée de plus en plus de castes, de tribus, de groupes cultivant l’entre-soi, dans lesquels il est malaisé de s’immiscer sans montrer patte blanche. Parmi ces microsociétés : les bobos, en réalité les bourgeois-bohèmes. Pourquoi les médias, les gens en général évoquent-ils de plus en plus les bobos? Représentent-ils un pan significatif de la population? Où peut-on observer et même rencontrer des bobos ?

GILLES SEBAN: Vous m’interrogez sur ce que l’on désigne par les « bobos » comme étant une population bien précise. Pour ma part, il me semble pouvoir dire ce que représente cette catégorie de personnes car je l’ai côtoyée pendant plusieurs années à l’époque où je résidais encore dans un quartier du nord de Paris. J’ai en effet assisté à l’arrivée progressive de gens bien différents des habitants que j’avais côtoyés pendant si longtemps.
Il s’agit de personnes le plus souvent de profil ethnique caucasien dans la trentaine et la quarantaine, en couple avec un, deux parfois même trois enfants en bas âge. Ils forment un groupe homogène qui tranche avec la population, hétéroclite et multiculturelle des rues et quartiers où ils ont élu domicile. Au début ces nouveaux arrivants bobos étaient plutôt discrets. Puis au fur et à mesure que s’amplifiait cette tranche si particulière de la population, j’ai pris le temps d’observer leur façon de se comporter, tant individuellement qu’entre eux.
Ce n’est peut-être pas une généralité, mais voilà un constat indéniable, je crois: les bobos s’implantent de préférence dans certains quartiers dits « populaires » des grandes agglomérations, en premier lieu Paris.

Peut-on dire des bobos qu’ils agissent tels des colons ?
– Ils privilégient un mode de vie fondé sur l’entre-soi. Cette manière de « faire société » est exclusive et telle est la règle : ils mettent à l’écart ceux qui sont censés ne pas appartenir à leur cercle. Pour autant, ils ne sont ni arrogants, ni agressifs et pas davantage hautains ou méprisants. Mais de toute évidence ils restent indifférents à ceux dont le mode de vie ne correspond pas à leurs critères.
Les bobos ne sont pas à proprement parler des « colons » ou des « envahisseurs ». Il me semble préférable et plus pertinent de dire qu’ils s’implantent dans un endroit donné en s’y infiltrant peu à peu. Je dois ajouter une autre nuance : si les bobos se contentent de fréquenter leurs semblables après les avoir repérés et – en quelque sorte – cooptés, ils ne vivent pas en communauté.

Photo YLH

Un jour, je m’en souviens, m’entretenant avec vous du «phénomène bobo», j’ai décrit ces personnes comme “chassant, voire expulsant les autochtones”. Vous m’avez contesté avec une certaine véhémence. La réalité est plus précisément la suivante: les habitants qui vivaient dans la rue ou même dans le quartier où ces bobos se sont “incrustés” finissent par se sentir dépaysés… Ils s’en vont refaire leur vie ailleurs. Cela ne fait-il pas, selon vous, des bobos une «espèce prédatrice» ?
– Non, je le répète : les bobos ne sont pas à proprement parler des colons. Ils s’infiltrent plus qu’ils colonisent et leur mode de vie sociétale est basé sur la reconnaissance et l’entre-soi conforme à des codes bien précis.
Il convient d’ajouter qu’Internet et surtout les réseaux sociaux influencent et favorisent probablement l’essor de ce phénomène.
Effectivement, les bobos ne sont pas des prédateurs. Ils se comportent comme des coucous gris, cette singulière espèce d’oiseaux qui doit son nom courant à son chant et dont le comportement est caractérisé par la pratique du parasitisme de couvée. Ainsi, les bobos s’incrustent dans un quartier qui ne lui est pas prédestiné et ils se l’approprient pour faire naître et pour élever leur progéniture.
Plus simplement, les habitants initiaux estiment qu’ils sont considérés comme des « étrangers » dans leur propre quartier et pour la plupart ils finissent par le quitter. Quant au pouvoir d’achat des bobos, il est sans doute accru par l’aide et par le soutien que leurs allouent les parents.

Quand on discute avec un bobo, on a l’impression de se trouver face à une personne dépourvue de sens critique, et qui peut s’émerveiller un peu comme un enfant de tout ce qui lui passe sous les yeux. Est-ce une impression, de ma part, biaisée ? Souvent, j’ai cru percevoir que les bobos finis-sent par trouver que tout est « normal » voire « cool », pour autant, évidemment, qu’ils ne soient pas confrontés à des événements trop déstabilisants pour eux.

– Les bobos donnent à voir en effet un émerveillement vis-à-vis de choses sans importance comme le font les enfants associés à un manque de sens critique. Mon explication à cet égard porte sur le fait que le bobo est un être inachevé, fonctionnant selon un mode régressif avec un manque manifeste de réelle maturité. Et pour s’en défendre, il s’identifie à ses parents sous la forme d’une imitation caricaturale. C’est ainsi qu’il cherche à donner le change sans en avoir réellement les moyens. Ce qui fait de lui un être assez peu authentique.
Les bobos aiment à exprimer un avis sur tout alors qu’il est en fait dénué d’opinion construites et vraiment personnelles. Sa conversation tourne autour de poncifs, d’idées reçues et de préjugés sans aucune épaisseur rhétorique.

Photo YLH


Quelles sont les valeurs qui unissent les bobos ? Ou si vous préférez, que partagent-ils en commun du point de vue, plus particulièrement, de leur style de vie ? Quelles sont, grosso modo, leurs professions (j’ai cru remarquer que parmi eux il y a de nombreux fonctionnaires, employés de bureau, professionnels de la communication et du marketing.). De fait, comment conçoivent-ils l’argent ? Apparemment, ils n’ont pas de problèmes du point de vue financier ?
 – Les valeurs que partagent les bobos et qui les amènent à s’agréger entre eux gravitent essentiellement autour de la famille. La bien pensance est de mise. Elle repose sur des stéréotypes qui concernent les liens entre les parents et les enfants tissés au fil des générations mais aussi semble s’appuyer sur le culte religieux chrétien. Sauf que les bobos sont dans le mime, la gesticulation et l’emprunt plaqués sur les valeurs de leurs parents.
Ils s’entendent entre eux parce qu’ils s’arrangent pour être d’accord sur tout. Et les contradictions sont très vite gommées. Car l’un va faire gentiment la leçon à l’autre comme pour lui rappeler les valeurs momentanément oubliées et qui sont propres au groupe d’appartenance. Concernant leurs professions, il est difficile de le dire avec précision. Pour autant, nous pouvons supposer qu’après avoir « brillé » dans une école de commerce lambda, ou une prépa de grandes écoles, ils sont parvenus à accéder à des postes de cadre dans des entreprises. Quant à leur rapport à l’argent, il n’est pas plus facile de savoir de quelle manière ils gèrent leur budget. Même si, très probablement, les parents peuvent les aider à arrondir certaines fins de mois difficiles.



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Un commentaire à “Les bobos, ces coucous qui n’ont aucun mal à faire leur nid dans les villes

  1. Avatar photo
    Christian Lecerf 10 mars 2023 at 11:27 #

    Étude socio-ornithologique intéressante sur un phénomène de société bien réel. On attend le même type d’analyse sur les punks à chiens, les gauchistes de LFI et, d’une façon générale, toute autre tribu dont les caractéristiques communautaires les distinguent des autres bipèdes. Bref, du pain sur la planche…

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