Au Pérou, des juristes entrent en scène pour dénoncer les violences des forces de l’ordre


PAR PIERRE ROTTET, Lima

A l’image de la guerre en Ukraine et la colère de la rue en France qui éclipsent l’ensemble des actualités dans le monde, c’est la météo, avec ses drames et ses désolations, qui balaie l’espace dévolu à la révolte des indigènes dans les quotidiens péruviens. Pourtant toujours bien présente. A peine un entrefilet ici où là.

Reste que le pays, y compris avec le tremblement de terre en Équateur qui s’est fait sentir dans la région nord du Pérou, à Tumbes, est toujours tout autant secoué par les protestations. Qui s’internationalisent de plus en plus en fissurant toujours davantage l’image du Pérou sur la scène politique sud-américaine. En particulier !

Lors d’une conférence de presse donnée récemment à Lima, une commission continentale composée d’avocats de 6 pays latinos américains et de représentants des Etats-Unis, a dénoncé la grave « vulneración » – infraction – s’agissant du respect des droits humains au Pérou. Cela après avoir écouté les témoignages de citoyens de Lima, Andahuaylas, Ayacucho, Juliaca et Cusco sur la mort de 62 personnes dans les protestations.

Les juristes pointent du doigt le gouvernement de Boluarte, les militaires et la police nationale en signalant outre les violences qui aboutirent à de nombreux décès y compris par balles, « des détentions arbitraires, des traitements cruels, des pratiques condamnables qui doivent être sanctionnées ».

Photo DR

« Ce que nous voyons ici est un schéma systématique et généralisé de graves infractions au détriment des droits collectifs des peuples péruviens. Il dénote l’absence de réponse adéquate de la part de l’Etat Péruvien dans son ensemble et des forces policières et militaires». Camilo Pérez Bustios, coordinateur de la mission internationale d’avocats, directeur du syndicat des avocats étasuniens, constate au Pérou une « impunité inacceptable ». Il considère que « le pays s’en retourne aux pires années de l’histoire péruvienne, à la sale guerre des années 89/90 ».

Une enquête fouillée du quotidien étasunien « The New York Times », reprise en partie par « La Republica », réaffirme que « des manifestants sont morts, tués par les forces armées ». Le New York Times a eu accès à des vidéos, à des rapports d’autopsies et balistiques, « qui confirment la brutale répression de la police et de l’armée contre les manifestants.

Dans son enquête, le journal révèle qu’il n’y a aucune preuve que des armes artisanales en mains de manifestants aient provoqué la mort de civils, contrairement aux allégations de la ministre des relations extérieures du Pérou, Ana Cecilia Gervasi.

Un avis que partage du reste le département d’Etat des Etats-Unis, qui signalait la semaine passée « le grave problème de l’impunité devant les abus des forces policières et militaires péruviennes ».

Où sont-elles? Pour la seule ville de Lima, 1564 fillettes et adolescentes ont été portées disparues entre janvier et décembre 2021. Et l’hécatombe continue…
Photo RL prise en el Óvalo Gutiérrez …

Tags: , , ,

Un commentaire à “Au Pérou, des juristes entrent en scène pour dénoncer les violences des forces de l’ordre”

  1. le houelleur yann 27 mars 2023 at 11:37 #

    Cher Monsieur Rottet, grâce à de belles et lucides plumes comme la vôtre nous pouvons avoir des nouvelles d’un pays dont nos médias mainstream ne parlent jamais car les énormes problématiques auxquelles sont confrontées nos populations en Europe incitent les médias à éclipser le reste du monde, à l’exception des USA quand une banque fait faillite ou de l’Australie quant un kangourou sort de sa poche une famille de quintuplés (info inventée de toutes pièces pour la circonstance).
    Ce matin, découvrant votre excellent – comme « toujours »- article, j’ai été frappé par la photo (prise par vous) d’hommes casqués et emprisonnés dans une combinaison d’un noir sinistre. Et je m’aperçois que j’ai presque fait les mêmes photos à Paris en « immortalisant » des CRS qui par ailleurs ont discuté de manière plaisante avec moi et m’ont cité des auteurs d’ouvrages peu connus du grand public. Alors, je me pose une question, si bête : les fabricants d’équipements pour forces de l’ordre sont-il des multinationales dont les soulèvements et guérillas éclatant un peu partout sur la planète feraient le bonheur. Souvent, très naïvement, je me demande si ce chaos mondial dans lequel nous nous enfonçons ne résulte pas, un peu, de la volonté de certains industriels d’accroître leur marge autant que nos policiers, gendarmes et militaires ne sont amenés à élargir leurs marges de manœuvre… La violence des manifestants fait monter d’un cran la pugnacité des forces de l’ordre et la propension de l’Etat à acquérir du matériel de défense mais aussi de riposte et de dispersion incite les rebelles et les casseurs à s’équiper et à s’entraîner toujours davantage. Comment rompre ce cycle infernal ?
    Bien à vous.
    Yann Le Houelleur

Laisser un commentaire

Les commentaires sous pseudonyme ne seront pas acceptés sur la Méduse, veuillez utiliser votre vrai nom.

Mentions légales - Autorenrechte

Les droits d'utilisation des textes sur www.lameduse.ch restent propriété des auteurs, à moins qu'il n'en soit fait mention autrement. Les textes ne peuvent pas être copiés ou utilisés à des fins commerciales sans l'assentiment des auteurs.

Die Autorenrechte an den Texten auf www.lameduse.ch liegen bei den Autoren, falls dies nicht anders vermerkt ist. Die Texte dûrfen ohne die ausdrûckliche Zustimmung der Autoren nicht kopiert oder fûr kommerzielle Zwecke gebraucht werden.