La fermeture d’un lieu de mémoire à Lima est “un acte illégal, abusif et arbitraire”


PAR PIERRE ROTTET, Lima

Le très sérieux quotidien de Lima “La Republica” a tiré une fois de plus la sonnette d’alarme mercredi 29 mars 2023 en raison d’une préoccupante actualité au Pérou. Relayée par un autre quotidien, “Oro”, le puissant maire de Lima Rafael López Aliaga, tête pensante de l’Opus Dei, la droite radicale du pays a demandé et obtenu la fermeture immédiate du lieu de la mémoire du Pérou, une sorte de musée, une mémoire au demeurant fort sélective et tronquée. Cette injonction à fermer ce lieu a été adressée au maire de Miraflor, qui s’est empressé d’obtempérer. Le bâtiment abritant ce musée se trouvant en effet sur le territoire du district de Miraflor, administré par Carlos Canales, d’une mouvance politique proche de celle d’Aliaga. Le couperet sur les exactions commises aussi bien par la guérilla que l’armée, recueillies à coups de témoignages par la très officielle Commission de la vérité et de réconciliation, a provoqué une intense colère dans les milieux intellectuels et culturels péruviens dont celle du directeur du musée, l’historien Manuel Burga: “Il s’agit d’un acte illégal, abusif et arbitraire”. Pour d’autres observateurs, joints par téléphone, il n’y a malheureusement plus de doute: “Le Pérou glisse lentement mais sûrement vers une mainmise de l’extrême-droite, pour ne pas dire la dictature”. A noter l’important dispositif de sécurité, police et militaires en armes autour du bâtiment.

Afin de justifier la fermeture de ce musée, Carlos Canales a piteusement invoqué le fallacieux prétexte de la sécurité auquel personne ne croit, hormis les dupes. “La Republica” invoque une hypothèse pour expliquer la décision de fermer cette institution culturelle et historique. La volonté d’Aliaga et de ses alliés politiques de tirer un trait sur les côtés peu reluisants de l’histoire du Pérou, en particulier dans les années 1970-1980, y compris le plus odieux acte d’eugénisme commis à l’encontre des populations andines et de la sierra par le biais de la stérilisation forcée de plus de 320.000 femmes, stérilisation imposée à leur insu par le dictateur Fujimori, ami de l’ancien archevêque de Lima Cipriani, opusien, primat de l’Eglise du Pérou à l’époque.

Selon le quotidien de Lima, des mouvances politiques de la droite radicale de pays hispaniques, comme l’Opus Dei et Vox en Espagne, tiendront prochainement leur second congrès international à Lima. Coïncidence? “La Republica” évoque les amitiés et les affinités entre le mouvement politique radical Vox et l’Opus Dei. Autre coïncidence? La fermeture de ce lieu de mémoire pourrait bien s’inscrire dans le sillage de la fermeture, il y a moins de six ans, du musée de l’Inquisition, sis au cœur du vieux Lima. Peu avant sa fermeture, l’un des responsables de ce musée, visiblement opusien, me confiait la volonté de la droite conservatrice du Pérou de s’atteler à monter un dossier destiné au Vatican, afin de prôner la canonisation d’Isabelle la Catholique d’Espagne. Une reine qui est à l’Inquisition en Amérique latine ce que les Pinochet, Videla et autres Franco sont aux tortures et aux assassinats politiques.

La foule devant le Musée de la mémoire désormais fermé. Photo DR

Tags: , , , , , , ,

Laisser un commentaire

Les commentaires sous pseudonyme ne seront pas acceptés sur la Méduse, veuillez utiliser votre vrai nom.

Mentions légales - Autorenrechte

Les droits d'utilisation des textes sur www.lameduse.ch restent propriété des auteurs, à moins qu'il n'en soit fait mention autrement. Les textes ne peuvent pas être copiés ou utilisés à des fins commerciales sans l'assentiment des auteurs.

Die Autorenrechte an den Texten auf www.lameduse.ch liegen bei den Autoren, falls dies nicht anders vermerkt ist. Die Texte dûrfen ohne die ausdrûckliche Zustimmung der Autoren nicht kopiert oder fûr kommerzielle Zwecke gebraucht werden.