L’effet providence

PAR SANTO CAPPON

Définition commune : « Evénement qui arrive à point nommé pour sauver une situation, ou qui constitue une chance, un secours exceptionnel ».

Soit. Mais risquons-nous à élever un tant soit peu le débat :

Il s’agit d’une perception à la fois directe et indirecte. Car ce qui est indirect peut nous mener directement “ailleurs”. Plus précisément, ce qui est vécu directement peut nous conduire à “appréhender cet ailleurs”, indirectement et paradoxalement. Tourné vers le visible, l’invisible pourrait nous tendre une perche faisant s’évanouir une portion de voile immatériel, ou alors comment le nommer. Nous permettant de percevoir les potentialités transparentes de cette autre dimension. 

Etant donné que nous serions à mi-chemin de deux notions apparemment antinomiques, nous pourrons faire mentalement la moitié du chemin qui les sépare, pour accéder à cet autre ou tout au moins, tenter de le faire. Dans une trajectoire ascendante, au sens figuré. Imaginant que l’autre niveau semblerait agir de la même manière dans notre direction, sans qu’il s’agisse d’un effet de miroir. D’une projection de soi-même dans le cosmos. 

Métaphoriquement et dans une diagonale réunissant les éléments, deux doigts pointés pourraient se rejoindre, comme dans la fresque de Michel-Ange : « la Création d’Adam ». 

L’esprit et la matière seraient par conséquent dans une proximité, dès lors qu’on veut bien « entrevoir une ouverture », et que les questions soumises individuellement ou collectivement par la vie, s’obstinent silencieusement à solliciter des réponses. 

Une croyance « apprise » ne serait pas forcément le plus court chemin vers une aspiration innée qui, entre les lignes de l’existence, cherche à trouver sa voie: une volonté exprimée ou non, vers la compréhension minimale de ce qui nous dépassera toujours. Plus intuitive sera la question, plus de chance aurons-nous à laisser poindre un début de réponse. Car l’instinct humain, au sens noble du terme, prolonge et anime une force impérieuse que la Nature semble mettre en œuvre, au sens large. Force qui décline tous les alphabets du visible et au-delà, même ceux de la déconstruction. Le tout n’ayant de sens véritable que sur le très long terme et dans une perspective insondable. A travers la lunette d’une rétrospection qui donne une direction aux vibrations intérieures. Désacraliser le sacré sans y renoncer, valorise toute vie où le mystère sera en capacité de développer quelque signification augmentée. 

Il ne saurait y avoir d’« au-delà » sans un en deçà. Ces deux notions étant complémentaires, se nourrissant l’une de l’autre. Un au-delà n’aurait pas le moindre sens, s’il ne prolongeait l’en deçà en potentialisant ses attributs. Il convient de mettre ces deux niveaux sur un pied d’égalité. L’erreur consistant à privilégier l’invisible au détriment du visible, et vice-versa. Les deux valeurs ayant leur sens propre, une forme de complémentarité qui justifie leur interaction. Espérer trouver une récompense « ailleurs » est une manière de dévaloriser la volonté ou les possibilités de trouver des réponses ici-bas. Partant et par conséquent, il nous appartient de déchiffrer les éventuels « signes » dont l’interprétation doit rester sujette à caution. Une forme d’humilité doit pouvoir dominer nos plus hautes prétentions. Ce genre de contradiction apparente ne peut que rendre plus plausibles et acceptables nos limites humaines, avides de solutions favorables. Plus forte sera notre espérance, dès lors qu’elle saura intégrer nos faiblesses. Car à force d’y sacrifier et mystérieusement, nos « doutes » entretiendront leur désir de questionner avec force. Encore et encore. Sans jamais renoncer. Car en acceptant de ne déchirer, en toute éventualité, qu’un petit coin du voile, plus sûrement nos intuitions pourraient-elles trouver leur chemin.