Pérou, “un régime acoquiné avec un Congrès de délinquants”


PAR PIERRE ROTTET

De pays respectable, le Pérou est passé à un Etat paria. Le journaliste César Hildebrandt, pourfendeur s’il en est du régime de la présidente péruvienne Dina Boluarte n’y va pas avec le dos de la cuillère.

Dans son hebdomadaire « Hildebrandt en sus trece », l’homme de presse frappe fort, très fort : « Le régime de Dina Boluarte, assure-t-il, s’est acoquiné avec un Congrès de délinquants ».

Le Pérou est aujourd’hui un pays paria sur la scène internationale, écrit-il en effet, compte tenu du fait que « la mandataire conduit actuellement un gouvernement illégitime », référence faite à Boluarte, qui a « changé le pays en mal et pour le pire » depuis son accession au pouvoir, il y a 4 mois.

Hildebrandt considère que le rapprochement entre Boluarte et le Congrès a délégitimé le régime après la destitution de Pedro Castillo. « Un régime, évoque-t-il, qui emprunte aujourd’hui une feuille de route politique de ‘ flibustiers’ y compris dans sa manière de démonter l’essentiel, à savoir la séparation des pouvoirs ».

Aujourd’hui, soutient l’homme de presse, « on a instauré un gouvernement d’extrême-droite qui, allié pour le pire au Congrès, vise ni plus ni moins à imposer un régime réactionnaire. Celui-là même qu’entendaient imposer ceux qui ont perdu les élections en 2021. Dont Keiko Fujimori, pour la troisième fois consécutive».

Le journaliste, qui questionne la crise institutionnelle que connaît actuellement le pays, estime que le Pérou est un Etat où la justice est contaminée par la politique ; une politique infectée par les crimes les plus divers. « Le respect des institutions a cessé d’exister », référence faite notamment, à la procureure de la nation, Patricia Benavides, qui ne cesse d’accumuler les casseroles.

Et ça n’est pas le récent emprisonnement de l’ex-président Alejandro Toledo, à la tête du pays entre 2001 et 2006, extradé dimanche des Etats-Unis pour corruption – à l’instar de nombreux autres présidents – et de millionnaires pots-de-vin reçus par la société brésilienne Odebrecht, qui apportera un vernis de respectabilité à l’institution judiciaire péruvienne, une institution décrédibilisée, déconsidérée, qui n’arrive même plus à donner le change.

Les dossiers interminables à ne pas montrer à une cour de justice s’accumulent en effet sans jamais trouver d’aboutissement. Ils concernent une grande majorité de congressistes, le maire de Lima, des magistrats, y compris la procureure. Voire Keiko Fujimori, sortie de prison en 2021 pour faire campagne et finir battue par le destitué président Pedro Castillo.

Pourtant, 30 ans de prison avaient été requis contre elle. A l’époque, Amanda Chaparro, correspondante du quotidien français « Le Monde », relevait les chefs d’accusation: blanchiment d’argent, mais aussi appartenance au crime organisé, entrave à la justice et fausses déclarations dans le cadre d’une vaste enquête sur le financement de ses précédentes campagnes électorales, en 2011 et 2016, impliquant l’inévitable entreprise Odebrecht.

Des accusations répétés et amplifiés ces dernières semaines. Ce qui n’empêche nullement Keiko Fujimori à la tête du fujimorisme de triste mémoire, de tirer aujourd’hui impunément les ficelles d’une politique en état de déliquescence. Un gouvernement illégitime et un congrès honni n’améliorent pas la lisibilité d’une démocratie plus que défaillante, qui glisse lentement mais sûrement vers le fascisme et la mainmise politique de la droite populiste et l’extrême-droite limeña. Cela pour dire, notent avec ironie certains observateurs, qu’il y a aussi peu de chance de voir un jour « la » Fujimori en prison que de voir s’éradiquer la corruption au Pérou.

Et comme si cela ne suffisait pas, le Premier ministre du gouvernement de Boluarte, Alberto Otarola, considéré comme la tête pensante de la désastreuse politique gouvernementale, a nommé lundi 24 avril un nouveau ministre de la Justice en la personne de Daniel Maurate Romero. Un pied de nez à la population. Un avocat pourtant impliqué dans « les affaires » entre 2015 et 2018 en raison de ses liens avec l’organisation criminelle « Los Cuellos Blancos del Puerto ».

Ce personnage avait été destitué en 2011 de son poste à la tête de la « Superintendencia nacional de control de servicios de seguridad » (surintendance nationale de contrôle des services de sécurité) la Discamec, devenue Sucamec aujourd’hui.

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