Chronique parisienne – La filière du livre révèle un visage beaucoup moins souriant qu’en apparence




PAR YANN LE HOUELLEUR, Paris, texte et photos

Lors du Festival du Livre à Paris, le journal numérique Franc-Parler a essayé de comprendre pourquoi la filière de l’édition se déclare en bonne santé alors que les tirages sont de plus en plus émiettés.

Comment décrypter un tel paradoxe ? On voit de moins en moins de personnes dévorant un bouquin dans les rames des trains ou du métro ainsi que sur les bancs publics. Souvent, on entend dire que le livre serait un objet en voie d’extinction.  Pourtant, lors du dernier Festival du Livre à Paris, à l’aube du printemps, une marée humaine s’est mise à déferler dans le Grand Palais éphémère. En majorité occupés par des maisons d’édition, les stands étaient pris d’assaut par des lecteurs de tous âges tandis que des écrivains débattaient autour de faits de société (le féminisme, l’écologie, le harcèlement, etc.) dans plusieurs salles pleines à craquer. « Détail » remarquable : les jeunes gens constituaient le noyau dur de la foule. Et pour cause : « Globalement, les deux-cinquièmes des jeunes lisent lors de leurs loisirs », a constaté la présidente du Centre national du Livre, Régine Hatchondo, dans une interview publiée dans le magazine distribué aux visiteurs de ce Festival. « Mais ils ne lisent ni la même chose, ni de la même façon que leurs aînés. Ils adoptent de nouvelles pratiques de lecture, grâce aux numérique ou au podcast… » Ces explications sont-elle convaincantes ? Permettez-nous d’en douter quelque peu. Rien de tel qu’un vrai livre pour éprouver le plaisir de la lecture…



Toujours selon cette publication, « les Français lisent abondamment. » L’année dernière, près de 380 millions de livres ont été commercialisés dans l’Hexagone. Un chiffre en léger recul, semble-t-il.
Malgré tout, la vigueur ainsi affichée est quelque peu en trompe l’œil car, selon de nombreux spécialistes, nombre d’éditeurs réduisent le tirage de leurs ouvrages. Ainsi, un essayiste qui vient de voir publiée une réflexion au sujet d’un thème très spécifique nous a expliqué : « J’ai signé avec mon éditeur un contrat qui prévoit un tirage initial de cinq-cents exemplaires qu’il se propose de diffuser lui-même. Mais je ne recevrai des droits d’auteurs que si ce cap d’un demi-millier est franchi et qu’un second tirage soit donc effectué en conséquence. » Autrement dit, l’auteur prend lui aussi un risque énorme : en cas de ventes décevantes… aucune rémunération. Ainsi la filière du livre révèle-t-elle un visage beaucoup moins souriant qu’en apparence. Franc-Parler a été intrigué par la présence massive, à ce salon, d’entreprises spécialisées dans ce qu’on appelle « l’édition graphique ». Pêle-mêle : des bandes dessinées, des romans illustrés, des œuvres didactiques comprenant de nombreuses illustrations, des livres pour enfants tels que  « le Jardin Secret »…  « Nous sortons une douzaine d’ouvrages par an, résume un éditeur occupant ce créneau. Seuls quelques titres marchent bien et  ils nous permettent de prendre des risques par la suite pour financer des ouvrages dont nous savons qu’ils seront peut-être déficitaires… »

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Un commentaire à “Chronique parisienne – La filière du livre révèle un visage beaucoup moins souriant qu’en apparence”

  1. Christian Campiche 26 mai 2023 at 21:18 #

    La situation est la même en Suisse. Nous nageons dans le leurre absolu. Les pages culturelles des journaux snobent les livres publiés à compte d’auteur (financés par ce dernier) et semblent ignorer que ce système est utilisé par maints éditeurs ayant pignon sur rue. L’auteur n’est pas rémunéré tant qu’un certain chiffre de vente n’est pas atteint, c’est le cas de figure dépeint par Yann Le Houelleur. Mais il est encore le moins défavorable pour l’écrivain(e). Souvent l’éditeur demande à ce dernier de financer l’impression, quand ce n’est pas toute la chaîne de publication. L’auteur accepte en raison du prestige que lui offre l’éditeur connu. Ses chances de voir des articles contribuer aux ventes augmentent. Lire également mon éditorial de novembre 2022: https://www.infomeduse.ch/2022/11/20/litterature-aujourdhui-comme-hier/

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