PAR PIERRE ROCHAT
Mon estimé professeur d’économie disait « qu’il est absurde que le rythme de l’extraction de l’or dicte la croissance de l’économie » en parlant de l’étalon-or. Mais peu avant, Jacques Rueff, économiste et conseiller du Général De Gaulle en matière monétaire, disait le contraire : «acceptez l’ordre financier ou subissez l’esclavage (de l’inflation) », en plaidant l’étalon-or, car avec celui-ci, on ne peut pas créer de la monnaie sans avoir l’or en contrepartie.
On connait la suite. La planche à billets a fonctionné crescendo au fur et à mesure qu’on levait les contraintes, à commencer par l’or, qui fut relégué au statut de vieille relique.
Les Etats-Unis ont commencé à émettre de la monnaie dont l’assise sous-jacente ne fut que la puissance US. L’hégémonie des USA a permis de fixer le prix des matières premières en Dollar, et ainsi à imposer cette monnaie au monde. Mais, non content de pouvoir émettre de la monnaie sans limite, les USA en ont fait une arme géopolitique par le biais de sanctions prises à l’encontre des pays non alignés récalcitrants à la « Pax Americana », allant jusqu’à la confiscation de leurs avoirs imprudemment déposés aux USA ou chez leurs alliés.
Aujourd’hui, cependant, on assiste à l’amorce de la fin de partie. Les USA ont accumulé une dette colossale. Les créanciers -au premier rang desquels la Chine et le Japon- deviennent nerveux car il est clair que le remboursement ne peut plus être assuré que par l’émission de nouvelles obligations. La spirale d’endettement engendre la méfiance. Le cours du Dollar chute, faisant perdre leur valeur aux « Treasury Bonds ».
C’est dans ce contexte que le groupe des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), annoncera le 22 août prochain le lancement d’une monnaie commune de réserve. Elle doit remplacer le Dollar pour régler les échanges commerciaux entre les pays du groupe et probablement d’autres qui le rejoindront. Ces pays représentent la moitié de la population mondiale, c’est dire si le poids de cette décision peut potentiellement être grand et sérieuses les conséquences pour le Dollar. Mais pour cela, il faut que cette monnaie soit crédible.
C’est pourquoi le groupe des BRICS a décidé d’adosser sa monnaie de réserve à l’or. Plusieurs raisons à cela. D’abord des pays du groupe BRICS sont les plus grands extracteurs d’or du monde. Ensuite, l’or est une valeur qui ne dépend pas de la solvabilité d’une contrepartie, comme les USA dont la dette inspire de plus en plus la méfiance. Le problème restant à résoudre est que le cours de l’or est fixé en Dollars américains (à Londres).
Que proposeront les BRICS ? Par exemple que la nouvelle monnaie soit liée de manière fixe à l’or ? Une once d’or permettrait d’émettre un nombre fixe d’unités monétaires, ce qui découplerait le nouveau système monétaire interne aux BRICS du Dollar américain. Se pose alors la question de savoir comment acheter -sans Dollars- l’or nécessaire pour garantir une masse monétaire suffisante au commerce intra BRICS ? Certes, certains pays sont producteurs. Dès lors, leurs mines seront-elles obligées d’accepter de vendre leur production en monnaie locale ? Il est intéressant de noter que les BRICS ont d’ores et déjà renforcé leur réserves d’or et cela depuis des années. Les BRICS mettront-ils sur pied une « Banque des Règlements Internationaux », sur le modèle de celle de Bâle, pour gérer leur nouvelle monnaie d’échange ?
Toutes ces questions devront trouver leur réponse le 22 août, question de crédibilité. Si oui, ça vaudra de l’or.
